Pour aller plus loin, Réglementation

Usages orphelins : facteurs aggravants, facteurs positifs

05 mars 2012

L’ensemble de la filière est maintenant conscient des enjeux liés à la question des usages orphelins. Résoudre la question des usages orphelins permet d’améliorer la confiance à l’intérieur de la filière, d’accroître la crédibilité et l’application de la réglementation et est un facteur essentiel à l’exercice d’un marché concurrentiel sain et loyal, sans distorsion de concurrence abusive.
Cette page fait le point des freins à la résolution de la question des usages orphelins, mais aussi des actions favorables à cette résolution

Facteurs aggravants

De nombreux facteurs règlementaires aggravent la situation des usages orphelins.

Au niveau européen,

Le règlement européen 1107/2009 sur la mise en marché des produits de protection des plantes (qui remplace la directive 91/414) fixe le cadre général des homologations dans l’Union Européenne. En matière de protection phytosanitaire, « tout ce qui n’est pas explicitement autorisé est interdit ».
Ce règlement établit des « critères d’exclusion » qui empêchent une substance d’être pré-homologuée au niveau européen lorsqu’elle est considérée comme intrinsèquement dangereuse, même si les conditions d’emploi permettraient de réduire l’exposition, donc le risque réel encouru.

Dans le cadre de ce règlement et de la directive 91/414 qui le précédait, beaucoup de matières actives ont été retirées dans toute l’Union Européenne et continuent d’être régulièrement retirées. Les nouvelles substances plus ciblées, plus biodégradables et plus sûres pour l’homme et pour l’environnement ne sont pas assez nombreuses pour compenser ces pertes.
Près de 1000 substances actives étaient utilisables dans l’UE au début des années 2000, moins de 300 en 2011.  Voir  graphique de l’évolution du nombre de substances actives (établi en 2008) : 08PSDNbSubstancesActives UE.pdf

La DG SANCO (Direction Générale de la Santé et de la Consommation) de l’UE tient à jour une base de données sur les matières actives inscrites .

Fin des « dérogations pour usages essentiels »
Suite à un nombre important de retraits en 2003, certains produits, considérés comme essentiels pour une filière agricole, ont bénéficié d’une extension de la période d’utilisation, jusqu’au 31 décembre 2007. Ce sont les « dérogations pour usages essentiels ». Certaines  dérogations concernées (Voir 0708DerogUsEssentiels.pdf) étaient importantes et des solutions alternatives n’ont pas toujours été trouvées.

Quelques spécificités françaises ajoutent des difficultés :
– Relativement récente nécessité de l’homologation des produits industriels simples : soufre, cuivre, etc.
Arrêté interministériel du 12 septembre 2006 (Voir également fiche pratique sur l’arrêté du 12 septembre établie par BayerCropScience : 0702FichePratiqueArrete12Sept2006.pdf) sur les modalités d’utilisation des produits phytosanitaires : DEAR (Délais d’Emploi Avant Récolte), DRE (Délai de Réentrée), …
Plan interministériel de réduction des risques phytosanitaires (PIRRP), qui est en fait un plan de réduction des volumes utilisés, avec objectifs chiffrés pour 47 molécules.
– Toujours dans le cadre du PIRRP, retrait de molécules spécifiquement en France en 2008
–  Facteur objectif supplémentaire : La très grande diversité des cultures en France, sans doute un peu plus encore que dans d’autres pays européens, accroît le nombre de cultures orphelines : La France est le seul pays européen à avoir des cultures aussi bien méditerranéennes que de climat tempéré.

 

Facteurs positifs

Les pouvoirs publics prennent des mesures destinées à résoudre la question des usages non pourvus (cultures orphelines)

Au niveau européen :
– Le règlement européen 1107/2009 prévoit la quasi-obligation de « reconnaissance mutuelle » entre Etats Membres de l’UE d’un même zone climatique. Cette même reconnaissance mutuelle est possible entre Etats Membres de zones climatiques différentes. Cette procédure permet à un Etat Membre dans lequel une culture est mineure, de « reconnaître » la validité d’un dossier d’homologation existant dans un autre Etat Membre.
Cependant, dans la pratique, de nombreux obstacles peuvent empêcher ou retarder cette reconnaissance mutuelle : doutes sur la validité d’un dossier, souvent ancien, établi dans un autre Etat Membre, inscription à l’annexe 1 encore en cours, formulations différentes des produits commerciaux, …

– La DG SANCO a défini la notion d’usages « majeurs », « mineurs » et « très mineurs » et la liste des extrapolations possibles (d’usages majeurs vers usages mineurs) selon les cultures et les zones géographiques. Quand un usage est reconnu comme mineur, le dossier efficacité est allégé et une extrapolation des études résidus est possible à partir d’un usage majeur.

– Deux groupes « usages mineurs » (Nord et Sud), réunissaient régulièrement les experts pour faire le point des dossiers et en particulier faciliter les « reconnaissances mutuelles ». Depuis début 2009, la DG SANCO (Commission Européenne) ne soutenait plus le fonctionnement de ces groupes. Mais la coordination entre Etats Membres est relancée à l’occasion de l’entrée en vigueur du règlement 1107/2009 le 14 juin 2011.

– Le règlement européen 1107/2009 sur la mise en marché des produits de protection des plantes (qui remplace la directive 91/414) prévoit des mesures favorables :
Fonds de promotion pour les usages mineurs
– Durée de protection des données allongée (pour les firmes phytosanitaires) pour une matière active également déposée pour un usage mineur
– Dérogation d’utilisation d’une matière active non-inscrite pour couvrir un usage non pourvu en situation d’urgence. Voir Article 53 sur les dérogations 120 jours.pdf
« Extension d’usage » permettant une instruction simplifiée pour une autorisation sur un usage mineur à partir d’un usage déjà autorisé sur une culture majeur. Voir Article 51 sur l’extension d’autorisation.pdf
– Et surtout, « reconnaissance mutuelle » quasi-automatique, sauf exception, entre Etats Membres. Voir Article 40 sur la reconnaissance Mutuelle.pdf
Tout dépendra évidemment de la façon dont ce réglement sera appliqué.
Les producteurs devront donc être particulièrement vigilants.

– Depuis fin 2010, la DG Sanco étudie les possibilités offertes par l’entrée en vigueur du règlement 1107/2009 pour résoudre la question des usages orphelins. En particulier, elle a lancé une consultation pour l’utilisation de l’éventuel fonds de promotion usages mineurs prévu dans le règlement : partage des bases de données, coordination entre les Etats Membres, …

 

Au niveau français :
– Le dialogue entre l’administration et les représentants de la profession est instauré sur ce sujet depuis de nombreuses années.

– En juin 2008, le Ministère de l’Agriculture a créé la « Commission Usages Orphelins », qui effectue un travail important de priorisation des usages et d’identification des tâches à accomplir pour progresser : expérimentations, « task forces » sur certains sujets, liens avec d’autres Etats Membres…

– Le nouveau catalogue des usages a été publié début mars . Il est un des résultats importants de la Commission Usages Orphelins. En regroupant des usages, donc en assimilant certains usages orphelins à des usages déjà pourvus, il constitue un progrès important à court terme.
En Légumes : avant révision, on comptabilisait  827 usages. Après révision, on en compte : 546.
En Fruits : avant révision, on comptabilisait  513 usages. Après révision, on en compte : 221.

– Des « dérogations 120 jours » et quelques homologations ont été accordées, qui ont résolu temporairement quelques cas parmi les plus flagrants. Cependant les dérogations 120 jours sont contestées par certaines ONG.

 

Cependant, outre les problèmes administratifs qui se posent régulièrement, le contexte politique global, et en particulier Grenelle et Ecophyto 2018,  ne facilitent pas la tâche.

Il y a toujours plusieurs centaines d’usages non pourvus ou mal pourvus, dont de l’ordre d’une centaine qui sont ultraprioritaires : sans ces usages, la production est proprement impossible et la durabilité des exploitations est en jeu.