Pour sourire

Pour sourire jaune : Faut-il jouer du pipeau aux plantes ?

12 févr. 2014

Dans un reportage vidéo de près de 20 mn, intitulé « La génodique : faire pousser les plantes en musique », France 3 Centre prétend adoucir les moeurs des bioagresseurs des plantes.

Joël Sternheimer, « docteur en physique théorique », mais aussi ancien chanteur sous le pseudonyme d’ « Evariste », est l’auteur de cette théorie, qu’il dit être basée sur la physique quantique… Il a même créé la société Génodics qui commercialise sa méthode auprès de 80 clients viticulteurs ou maraîchers, facturée au prix fort…

Avec cette technique, dans les champs, explique un des clients, « le méchant est moins méchant, et le brimé moins brimé »
Sans doute parce que la musique adoucit les mœurs ! Comme preuve scientifique on fait mieux.

Les résultats décrits par les témoins interrogés dans le reportage sont absolument extraordinaires. A les en croire, les agriculteurs vont bientôt contribuer à relancer le marché des CD :
La chevauchée des Walkyries pour pacifier les doryphores,
La petite musique de nuit pour calmer les attaques de bremia sur laitue,
et Le Printemps (dans les quatre saisons de Vivaldi) pour encourager les plantes à sortir de la léthargie hivernale.
Peut-être un peu de hard rock, de Metal ou d’Electro pour les secouer quand elles dépriment ?

La génodique : une pseudoscience

Sur le site scepticismescientifique  « Episode 83 : La Génodique » (à partir de 11mn30s.), Nicolas Gauvrit expose avec humour tous les arguments qui permettent d’affirmer que la « génodique » (utilisation de la musique pour stimuler les gènes)  de Joël Sternheimer est  bien une pseudoscience, c’est-à-dire, en clair, une vaste fumisterie… :
– glissements successifs dans les explications,
– absence de reprise par le monde scientifique (par les « pairs »),
– invraisemblance des faits sans appui sur des preuves irréfutables, etc.

La profession doit être responsable

Si nous consacrons un « Pour sourire » plus long qu’habituellement, c’est parce que, parmi les témoins à l’appui de la « génodique » de J Sternheimer, il n’y a pas que des anonymes !
Angélique Delahaye, ex-présidente de Légumes de France, a pris une part active dans ce reportage (voir à partir de 9mn45s) en témoignant longuement de son efficacité : des endives « propres, nickel, brillantes », une parcelle de concombre sauvée, une précocité accrue…
Gérard Roche, responsable de la question phytosanitaire à Légumes de France, a déclaré dans Vegetable de Janvier 2014 : « nous ne nous cramponnons pas à la chimie, nous sommes preneurs de toute solution qui donne des résultats et c’est pourquoi nous nous intéressons aux génodies, qui soigneraient les plantes par la musique (Bremia de la laitue) »

Que des responsables professionnels donnent publiquement crédit à ce genre de théorie, en s’appuyant uniquement sur de simples constatations subjectives et isolées, sans en vérifier au moins la vraisemblance auprès de scientifiques ou d’expérimentateurs de valeur (disponibles au CTIFL ou l’INRA), et sans un minimum de vérification expérimentale, est proprement irresponsable.
C’est donner de faux espoirs aux producteurs qui, désespérés par les usages orphelins, pourraient être sensibles à la pseudoscience.

Si la méthode est efficace, les pouvoirs publics devront distribuer des AMM lors des sorties d’albums, précisant les doses (nombre de décibels… surtout pour la Walkyrie !) et la fréquence de traitement (durée d’écoute) etc.  Appliquant le principe de précaution, ils devront prendre des dispositions particulières pour protéger les passereaux et les passants, mais aussi les rapaces qui en oublieraient de chasser les souris et qui en mourraient de faim. Réclamons d’urgence la création d’une commission, d’une mission d’inspection  ou un rapport du CGAER sur le sujet.
Peut-être aurons-nous un jour un plan Ecomusico ayant pour objectif de réduire l’utilisation de la musique de 50% en 10 ans dans les champs comme à la maison. Enfin un peu de calme !

Plus sérieusement, les producteurs ont besoin de solutions concrètes, basées sur de la vraie science, avec des preuves expérimentales.
Ils n’ont pas besoin qu’on leur joue du pipeau. Ni à eux, ni à leurs plantes.

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