Divers, Veille sociétale

La spirale de l’inquiétude, ses ravages et comment la combattre (SPS)

21 juin 2012

Sur le thème des effets des ondes électromagnétiques, et sous le titre « Les élus locaux face à l’inquiétude des administrés », Sciences et Pseudo-Sciences (SPS) publie un entretien avec André Aurengo, membre entre autres de l’Académie de Médecine. Pour lui, « la décision politique a une légitimité démocratique représentative, ce que n’ont pas des associations qui ne représentent qu’elles-mêmes. Encore faut-il que les décisions politiques soient expliquées et, quand elles font fi des estimations scientifiques, que les raisons en soient honnêtement argumentées. » Les considérations évoquées dans l’article peuvent être transposées aux autres sujets sensibles de l’actualité.

 

La spirale de l’inquiétude

 

Introduit par S Breyer aux USA en 1993, ce concept est repris par Maurice Tubiana dans « Du bon usage du principe de précaution » Environnement, Risques & Santé, Septembre 2003.

« Un véritable « cercle vicieux » illustre l’interaction entre l’inquiétude du public, les recommandations des experts et la prise de décision. (…) Lorsqu’il y a incertitude scientifique et que les problèmes deviennent émotionnels, (…) l’objectif principal des experts est alors de ne pas sous-estimer le risque. Ils font appel à des méthodes d’estimation prudentes qui conduisent à une surestimation du risque, notamment pour les faibles doses. (…) [Ceci] renforce l’inquiétude du public, qui demande plus d’action. Sous cette pression, les décideurs exigent une réglementation plus contraignante et font pression sur les comités d’experts. Les limites des doses d’exposition sont abaissées. (…) Ainsi, le cercle vicieux non seulement augmente les coûts mais avive l’inquiétude au lieu de l’apaiser. (…) Protéger les experts et les décideurs de la pression publique est donc un objectif primordial. »

 

A chacun son métier… et un peu de courage politique

Pour A Aurengo, « L’information « grand public » se contente souvent de laisser la parole à des opposants militants ; parfois, le point de vue scientifique n’est évoqué que comme une opinion parmi d’autres, qui n’aurait pas de valeur particulière. Ce relativisme, qui tourne délibérément le dos aux valeurs des Lumières, est d’une extrême gravité pour une société comme la nôtre, très dépendante de son niveau scientifique et de sa capacité d’innovation. »

D’autre part, « On voit malheureusement une tendance à prendre des décisions politiques démagogiques sans fondement, en essayant de les faire endosser aux scientifiques. Comme la science sans conscience, la politique sans courage n’est que ruine de l’âme. »

A Aurengo conclut : « Le débat sur l’hypothétique dangerosité de la téléphonie mobile est exemplaire par ses nombreuses composantes : physique, médicale, sociale, économique, politique, médiatique. Les scientifiques n’en sont pas les seuls acteurs et n’ont aucune légitimité quant aux choix retenus in fine. Mais ne pas leur reconnaître une place prépondérante dans l’analyse des risques et celle des scénarios de leur gestion laisse la place à une véritable manipulation de l’opinion, au triomphe des intérêts personnels sur l’intérêt collectif, et, grâce au « principe de précaution », à des décisions arbitraires, prises sous la pression de mouvements non représentatifs dont les objectifs sont souvent fort éloignés des préoccupations de santé publique qu’ils revendiquent. »