Divers, Veille sociétale

Nouvelle offensive contre l’épandage aérien de pesticides

26 juil. 2012

Les attaques contre l’épandage aérien des pesticides font le buzz sur Internet. Seuls quelques médias liés à la profession tentent de raison garder. Quels sont les risques et le enjeux de cette situation ? L’épandage aérien est-il dangereux, utile, nécessaire ? Dans quelles situations ?

 

 

Les épandages aériens : Une préoccupation sociétale qui monte lentement mais sûrement

Cela fait plusieurs années que cette préoccupation émerge. Elle s’appuie :
1° sur des pratiques anciennement peu contrôlées (qui laissent parfois une image négative)
2° sur une interrogation compréhensible de la part des riverains du fait d’une information du public traditionnellement insuffisante.
3° sur une présence de néo-ruraux peu enclins à comprendre les enjeux techniques en cause

L’adoption en 2010, dans la loi Grenelle II, du principe d’interdiction des épandages aériens, sous réserve de dérogations exceptionnelles renforce les craintes, justifiées ou non, du public.

ForumPhyto avait déjà évoqué la question de l’épandage aérien le 17 avril 2012 dans : L’épandage aérien, très « attaqué », quelquefois nécessaire, toujours très encadré…

 

Offensive en règle d’ONGs hostiles par principe

Ces derniers mois, et surtout ces dernières semaines, les médias reprennent massivement ce thème, ne donnant généralement que la version des ONGs hostiles, lesquelles entretiennent une hostilité de principe à tout traitement aérien dans quelque condition que ce soit.

Pour EELV (Europe Ecologie Les Verts), il faut dire « stop aux épandages aériens de pesticides« , n’hésitant pas à exgérer grandement les chiffres en parlant de « millions d’hectares potentiellement impactés en France. »

Actualités news environnement titre : « Epandages aériens de pesticides : un réel danger pour l’environnement »

Les sites des ONGs environnementalistes présentent tous la même position hostile par principe.

 

Les médias laissent le plus souvent une large place à leurs thèses, mais nuancent quelquefois…

Maxisciences titre de façon équilibrée  « L’épandage aérien de pesticides crée la polémique », mais lance une charge sans nuance dans le corps de l’article.

Le débat fait rage en Aquitaine, du fait d’une importante production de maïs doux.

Le 19 juillet, le blog ma planète, lié à Sud-Ouest, titre « Des épandages aériens d’insecticides « mettent le feu » dans le Gers et en Haute-Garonne« . L’article prend fait et cause pour les thèses les plus alarmistes et laisse une toute petite place à une explication de la préfecture de Haute-Garonne.

Le 21 juillet, le même Sud-Ouest titre : « L’épandage aérien fait débat« . Et laisse aussi la parole à Michel de Lapeyrière, président de la Chambre d’agriculture et maïsiculteur à Saint-Léger qui « évoque tout d’abord l’intérêt de l’épandage aérien : « Ces traitements sont utiles car ils vont vite et ne font pas de dégâts dans les cultures. » Impossible en effet de faire passer un tracteur pour lutter contre la pyrale quand les maïs sont hauts. Et relativise : « C’est une pratique très réglementée qui occasionne très peu de dommages collatéraux. Les palles de l’hélicoptère plaquent les pesticides au sol, ce qui limite la dispersion des produits. Et c’est un système très onéreux, utilisé vraiment si nécessaire. » »

En Guadeloupe, autre région utilisant les épandages aériens du fait de relief accidenté, France Antilles titre : « L’épandage aérien autorisé sous conditions » pour un article exprimant principalement le point de vue de l’administration : liste restrictive de produits utilisables, distances par rapport aux sentiers de randonnées, contrôles renforcés, etc. L’article est suivi de commentaires de toutes les parties prenantes, professionnels et environnementalistes (Les Verts, etc.).
Eric de Lucy, pour l’Union des Groupements de Producteurs de Banane, y déclare par exemple :  » [Les pouvoirs publics] ont pris la mesure de l’impossibilité pour les producteurs de maîtriser les maladies des cercosporioses sans faire, dans l’état actuel des choses, appel à l’épandage aérien. Dans le cadre de ce Plan banane durable, les producteurs de Guadeloupe et de Martinique ont développé un programme de recherche unique au monde en matière de traitement par voie terrestre des maladies fongiques. C’est à l’accentuation de ces efforts que la situation actuelle les invite »

 

Seul Alerte Environnement développe clairement dans plusieurs articles les raisons qui rendent l’épandage aérien quelquefois indispensable.

Après avoir signalé l’offensive des ONG contre l’épandage aérien, Alerte Environnement écrit dans « Pesticides : les approximations du journal le Parisien » : « ce n’est pas par plaisir que  les agriculteurs font appel à ces techniques. Quand la lutte biologique peut être utilisée, ils le font. Ce n’est déjà pas facile pour le maïs, imaginez ce que c’est pour des châtaigneraies ! La Châtaigneraie du Limousin pourrait utiliser une solution biologique homologuée en épandage aérien mais n’a pas de dérogation préfectorale… »

Dans « interdiction de l’épandage aérien, la fausse bonne-idée« , il évoque le cas parlant du maïs doux : « Dans les 3 régions concernées (Midi-Pyrénées, Aquitaine, Centre), l’enjeu est majeur. Les critères de qualité sont drastiques pour le maïs doux (Imaginez-vous ouvrir un boite de mais et y trouver un vers dedans) et la filière emploie des milliers de personnes… Ce que semble oublier nos amis écolos ! Sans doute préfèrent-ils que Bonduelle ou Géant Vert délocalisent leurs usines en Europe de l’Est. »

 

L’épandage aérien doit être encadré réglementairement

La Loi Grenelle II prévoit l’interdiction de l’épandage aérien, sauf dérogation dûment justifiée. Mais le terme « dérogation » est forcément ambigu :
Les environnementalistes le voient comme la promesse d’une interdiction totale à terme. Ce qui n’est pas dit dans la loi.
Les producteurs le voient comme autorisant l’épandage lorsque c’est nécessaire. Mais une dérogation est plus faible, réglementairement parlant, qu’une autorisation.

L’épandage aérien est absolument nécessaire dans des cas précis. Voir les cas des châtaigniers et du maïs doux évoqué plus haut.
Et en nombre restreint : L’épandage aérien concerne 0.3% de la Surface Agricole Utile.

L’épandage aérien peut être protecteur de la santé humaine des opérateurs. Par exemple dans les cas des vignobles et des bananeraies en terrain accidentés (ne permettant pas le passage d’engin motorisé).

Il est de toutes façons suffisamment onéreux pour que les producteurs n’y fassent appel qu’en cas d’absolue nécessité.

Les techniques modernes d’épandage aérien (GPS, buses anti-dérive, etc.) permettent d’éviter les dérives de produit sur les parcelles voisines ou sur des lieux fréquentés par des tiers (habitations, chemins, etc.) traditionnellement associées à cette pratique. Il est indispensable qu’elles soient mises en oeuvre de façon stricte.
Que l’épandage aérien soit dérogatoire peut être une bonne chose si cela permet de s’assurer que ces techniques modernes sont bien utilisées.

Plus encore, les producteurs et leurs organisations considèrent l’encadrement règlementaire et l’examen de la pratique par les autorités comme légitime et utile.
L’audition de l’ANSES (Agence de sécurité sanitaire) et de la DGAL (minsitère de l’agriculture) par le Sénat peuvent éclairer utilement l’ensemble de la société, sur ce qui est en jeu et sur les moyens de maîtrise des risques.

Voir le résumé de l’audition de l’ANSES et de la DGAL sur le site du Sénat. Voir le débat dans son intégralité.

 

Bref, il est normal de réglementer et d’encadrer l’épandage aérien. Il faut cependant raison garder. Ce n’est pas le cas de la campagne disproportionnée menée actuellement par les ONGs hostiles par principe. Cette campagne constitue d’ailleurs essentiellement une tentative de mettre Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, « sous influence écologiste »,  comme le titre Alerte Environnement récemment.
Alerte Environnement s’interroge à juste titre : « Notre ministre de l’agriculture saura-t-il résister à la main-mise du Ministère de l’écologie de Delphine Batho, aux oukases des ONG et à l’influence de Cécile Duflot et de son cabinet ? Auditionné hier par la Mission d’information sur les pesticides au Sénat, Stéphane Le Foll montre, derrière un discours ampoulé sur le thème de l’agriculture écologiquement intensive, un manque de résistance. Certains acteurs du monde agricole déchantent déjà du nouveau Ministre. Il est encore temps de se ressaisir Monsieur Le Foll. Avant que l’agriculture ne vous tourne le dos définitivement.Le monde agricole attend des décisions. Monsieur Le Foll en sera-t-il vraiment capable ? »