Bonnes pratiques, Protection intégrée

Ecophyto : Rapport d’évaluation de l’épidémiosurveillance (axe 5) par le CGAER

09 sept. 2012

Ce rapport intitulé « Synthèse de l’évaluation in itinere de l’Axe 5 du plan Ecophyto 2018 »,établi par Patrice Blanchet, ingénieur du CGAER (Conseil Général de l’Agriculture et des Espaces Ruraux), instance du Ministère de l’Agriculture, dresse un premier bilan de l’axe 5, mettant en place la SBT (surveillance biologique du territoire) dans le cadre d’Ecophyto2018. Il entre dans le détail du cadre dans lequel s’inscrit cet axe 5 et de ses conséquences. Et établit un certain nombre de perspectives opérationnelles. Il souffre cependant du travers essentiel du plan Ecophyto : se focaliser sur le quantitatif. En oubliant l’essentiel : la réduction des risques.

Ce rapport « politique » synthétise, pour les pouvoirs publics, un rapport plus opérationnel et « technique », établi par trois cabinets de consultants pour le compte l’ONEMA. Voir ici sur ForumPhyto

L’axe 5 du plan Ecophyto2018 prévoit, dans le cadre du Grenelle de l’environnement, la mise en place d’une surveillance biologique (épidémiosurveillance) du territoire (SBT) avec une forte participation des organisations agricoles et remplaçant l’ancien système des « avertissements agricoles », qui était presque entièrement piloté par l’administration. Cela a essentiellement consisté en la mise en place de parcelles où des observations fines sont effectuées pour  diagnostiquer l’état de santé réelles des cultures. Sur la base de ces observations, des bulletins de Santé du Végétal (BSV) sont alors mis en ligne régulièrement et peuvent éclairer le producteur dans ses décisions de protection phytosanitaire.

Cet axe 5 est censé permettre mécaniquement une baisse de l’utilisation des « pesticides » en réduisant les interventions programmées en aveugle, par précaution agronomique et économique.

 

Actu-Environnement relève plutôt les points négatifs soulignés dans le rapport en titrant « Ecophyto : l’épidémiosurveillance n’est pas adaptée à l’objectif de baisse de l’usage des pesticides »

Bilan plus équilibré pour Référence Environnement , qui titre « Écophyto 2018 : les bons points de la surveillance biologique du territoire et ceux à améliorer ».

 

Analyse de l’axe 5 par le rapport

Le rapport « a mis en évidence la réussite de l’organisation régionale de la surveillance biologique du territoire avec de multiples nuances, seulement deux ans après son démarrage. (…) La mutualisation des observations et des suivis sont des acquis essentiels. L’ensemble est destiné à fournir une information sur les risques sanitaires des cultures indépendante du conseil d’utilisation des pesticides. » Le rapport montre le succès de la mobilisation des acteurs (administration, techniciens, profession) sur cet axe d’Ecophyto.

De plus, « L’épidémiosurveillance contribue à analyser non pas « en aval » l’usage des pesticides mais « en amont » leur motivation » Cela contribue à sortir du débat trop souvent idéologisé. Cela contribue à rationaliser l’évaluation des pratiques de protection des plantes, à comprendre « pourquoi » : circonstances climatiques, agronomiques, contraintes économiques, etc.

Le rapport pointe principalement deux limites au SBT :

–        L’utilisation d’herbicides n’est pratiquement pas influencée par la SBT. On pouvait s’y attendre : globalement, les problèmes sont plutôt une affaire de parcelles et de pratiques agronomiques sur ces parcelles que de conditions météorologiques… Et pourtant les herbicides représentent 40% des produits utilisés en France.

–        Cette première phase du SBT « n’a pas permis d’encourager pleinement des pratiques alternatives à l’usage des produits phytosanitaires ». Il est vrai que quelques interventions inutiles de prévention peuvent être évitées par une surveillance collective. Mais il ne faut pas négliger que, depuis plus de 50 ans, les producteurs eux-mêmes disposent d’informations et d’outils d’aide à la décision : formation initiale et permanente permettant la reconnaissance des parasites, anciens « avertissements agricoles », conseillers de terrain, etc. Comme l’écrit le rapport page 12, Penser que le développement de la SBT « amènerait  mécaniquement  la  pratique vertueuse et les bons effets globaux de réduction des pesticides » relève d’une « vision simplificatrice et planificatrice ».

 

Une proposition clef du rapport est de distinguer plus clairement, pour mieux les articuler :
« – le conseil « instantané » où la relation directe avec le commercial et le conseiller le plus proche sera toujours prépondérante en situation de demande de sécurisation par l’agriculteur,
le conseil plus généraliste portant sur le système d’exploitation, la rotation et la préparation de la /des campagnes qui peut favoriser une approche plus globale, plus structurelle et moins dépendante de l’urgence. »

Il ajoute « Dans tous les cas la crédibilité du conseil ne se décrète pas. Elle se construit pas à pas dans une démarche commune avec l’agriculteur. » (p 14)

Autre point positif, ramenant à l’agronomie, le rapport en appelle à la reconnaissance et à la structuration  du « renouvellement et (de) la transmission des compétences des spécialistes des ex-services de la protection des végétaux ». (p15)

 

Un rapport enfermé dans une logique purement quantitative

Comme l’explique le rapport : « Les décisions de l’agriculteur à court terme et à moyen terme (rotations par ex.) intègrent obligatoirement la globalité (du contexte). Ses conseillers et contacts dans ses diverses relations traitent également de l’ensemble. »

Mais, sans surprises, le rapport, commandé par les pouvoirs publics à un de ses agents, est focalisé sur « l’atteinte des objectifs de réduction de l’usage des produits phytopharmaceutiques du plan Ecophyto 2018 »

On y évoque les « pratiques alternatives à l’usage des produits phytosanitaires ». On y évoque « les bons effets globaux de (la) réduction des pesticides ».

Mais, à aucun moment, l’objectif d’Ecophyto de réduction des pesticides, n’est fondamentalement analysé, ni remis en cause même de façon partielle.

Pourtant, l’ensemble des décisions techniques, agronomiques et économiques, prenant en compte ce contexte global peuvent concourir à une amélioration de la balance bénéfices/risques de la protection phytosanitaire. Le choix de la rotation culturale, les buses anti-dérive, le réglage des pulvérisateurs, l’enrobage des semences, les bandes enherbées servant de refuge aux auxiliaires, l’utilisation de champignons entomopathogènes, et tant d’autres, sont autant d’éléments qui permettent d’améliorer l’efficacité de l’agriculture en réduisant les risques pour l’environnement et la santé humaine.

De plus, tous ces outils de réduction des risques mèneront effectivement à une réduction globale et significative des volumes utilisés de produits phytosanitaires. Mais faire de la réduction des volumes un objectif intangible et prioritaire est à la fois contre-productif et illusoire.

L’objectif intangible de la réduction des volumes, inscrit dans le plan Ecophyto 2018, mène inévitablement à l’idéologisation, très justement dénoncée dans le rapport, du débat sur la protection phytosanitaire.
Ce rapport, en montrant la nécessité de replacer la protection phytosanitaire dans son contexte agronomique et économique, peut contribuer à sortir de cette idéologisation…