Europe et international, Union Européenne

Guerre de l’information sur les insecticides néonicotinoïdes : une victoire à la Pyrrhus pour les ONG ?

29 avril 2013

Abeilles Bastamag Le CPCASA (Comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale, SCFCAH in English) est divisé sur la proposition de la Commission d’interdire pour 2 ans dans l’UE sur certaines grandes cultures et à certaines périodes. Aucune majorité qualifiée ne s’est dégagé en faveur ou contre la proposition de la Commission. Mais la Commission a maintenant la possibilité juridique d’imposer sa proposition d’interdiction. Quelles sont les conséquences d’une telle décision ?

 

Concernant la réunion du CPCASA du 29 avril 2013, on lira « Trois pesticides mortels pour les abeilles interdits en Europe » sur liberation.fr, assez bien détaillé sur les différentes positions et « Abeilles : trois pesticides interdits dans l’Union européenne » sur lemonde.fr pour un bref résumé.

 

La bataille de l’information.

Pour les ONG, cette proposition conforte leur thèse, à savoir la responsabilité essentielle de ces insecticides dans la mortalité des abeilles. Pour les firmes productrices, mais aussi pour les agriculteurs utilisateurs, et pour de nombreux scientifiques, la réalité est plus complexe.

Nous avons rendu compte des arguments scientifiques qui montrent que les principaux responsables des disparitions des abeilles et des pollinisateurs sont, avant tout, les parasites et maladies (varroas, nosema…) et le manque chronique de plantes mellifères dans l’environnement.
Voir  « Fausses et vraies solutions pour sauver les abeilles (débat néo-nicotinoïdes) » « Une suspension des néonicotinoïdes sauverait-elle les abeilles ? »
Le PDDA (plan développement durable de l’apiculture) initié par le gouvernement va d’ailleurs dans ce sens. Non seulement les apiculteurs, mais aussi les agriculteurs ont leur rôle à jouer pour mettre en œuvre des solutions réelles.

Dans Contrepoints.org, Wackes Seppi montre à quel point la campagne médiatique de dénigrement des néonicotinoïdes est sans fondement scientifique. Et la responsabilité du gouvernement français et de certains médias dans le crédit donné aux thèses environnementalistes.

Sous le titre « Une bataille politique autour des pesticides » (in English), the-scientist.com rend compte de façon quasi-exhaustive des arguments de fond échangés. Les arguments scientifiques occupent une place importante dans l’article et montrent que, sur le terrain, l’effet des néonicotinoïdes est probablement négligeable.

Mais les ONG environnementalistes ont compris que le meilleur moyen de faire passer leur thèse n’est pas le terrain scientifique, c’est le terrain médiatique et émotionnel, et finalement politique. C’est la tactique éprouvée du bouc émissaire. Pour un seul objectif : obtenir l’interdiction de ces insecticides et pouvoir crier victoire.
Avant l’interdiction temporaire décidée par l’UE, plusieurs médias avaient bien analysé l’aspect avant tout politique et médiatique de cette guerre entre ONG d’une part et firmes et secteur agricole d’autre part.

Sous le titre « Guerre de l’information sur l’utilisation d’un insecticide pour colza ou maïs », qui est une analyse pondérée de la situation, Knowckers.org met, de fait, en évidence le déséquilibre des moyens médiatiques mis en œuvre par chaque partie. Les ONG ont multiplié les initiatives diverses et variées : pétitions, articles, manifestations spectaculaires, etc. Les firmes ont publié un communiqué et un contre-projet… Mais pour Mediapart, même cette réaction presque timide est qualifiée de « lobbying forcené » des firmes ! Lire « Bayer et Syngenta manœuvrent pour bloquer l’interdiction de leurs insecticides » (accès restreint).

 

Et maintenant ?

Pour la suite, les ONG environnementalistes retiendront que l’interdiction temporaire « valide » en quelque sorte leur thèse des insecticides responsables de l’extinction des abeilles. Et, pourtant si rien de mieux n’est fait contre le varroa et pour mieux nourrir les abeilles, elles continueront à mourir ! Gageons que les mêmes ONG trouveront un autre bouc émissaire…

Les ONG environnementalistes retiendront surtout la victoire politique que constitue une telle interdiction. Ce qu’elles considèreront très probablement comme un tremplin pour d’autres batailles médiatiques à venir : perturbateurs endocriniens en particulier.

Mais, d’une part, les très fortes divergences exprimées lors de la réunion du CPCASA le laissent présager : cette interdiction ne sera sans doute pas appliquée de la même façon dans tous les Etats membres de l’UE. Ceci risque d’introduire des fractures économiques et réglementaires importantes dans l’UE.

D’autre part, les agriculteurs devront, de toute façon, protéger leur récolte contre les parasites qui étaient visés par les néonicotinoïdes. Ils le feront donc avec des insecticides dont les conditions d’emploi pourraient se révéler plus dangereuses pour les abeilles.
Les firmes phytos ne s’en porteront pas plus mal. Les victimes seront les agriculteurs européens… et les abeilles.

Bref, au total, pour les ONG, ce pourrait être une victoire à la Pyrrhus (c’est-à-dire « avec un coût dévastateur pour le vainqueur », selon Wikipedia)

 

Dernière minute : Voir également le communiqué de presse de l’UIPP (firmes phytos en France)