Divers, Veille sociétale

L’Etat protège-t-il des pesticides dangereux ? ou bien lâche-t-il les producteurs ?

30 avril 2013

La DGAL (ministère de l’agriculture) a du retard dans ses dossiers. Le site internet e-phy n’est pas toujours à jour, des décisions sont en attente, voire en souffrance, etc. Générations Futures (GF) crie au scandale, menace de « porter plainte contre X (en fait contre le ministère de l’agriculture) pour mise en danger de la vie d’autrui » et surtout, le plus important, initie le buzz sur Internet. Qu’en est-il ?

 

Une idée du buzz initié par Générations Futures.

La communication initiée par Générations Futures : « Pesticides : une gestion inacceptable de dizaines d’Autorisations de Mise sur le Marché (AMM) des pesticides … preuves à l’appui ! »

Cette communication a été reprise par de nombreux médias, en particulier environnementalistes. Par exemple :
Actu-environnement titre son interview de F Veillerette : « Des pesticides restent autorisés alors qu’ils devraient, selon l’Anses, être interdits ».
Le Journal de l’Environnement titre « Quand le ministère de l’agriculture protége des pesticides dangereux » en ne donnant que les éléments à charge.
Idem pour Enviro2B sous le titre « Plus de 40 pesticides illégalement autorisés en France »

Sous le titre « Des dizaines de pesticides sont autorisés en France contre les avis d’experts » (accès restreint), Le Monde donne toutefois quelques éléments plus nuancés : « D’un strict point de vue réglementaire, la DGAL n’est pas tenue de se conformer aux avis de l’Anses. Le grand nombre d’écarts relevés est cependant suffisamment anormal pour avoir suscité la réaction de l’agence sanitaire. (…) [La DGAL] ajoute que certaines anomalies peuvent être expliquées par des défauts de mise à jour de la base de données du ministère, ou encore par des agendas français et européens décalés.(…) C’est en effet à l’échelon communautaire que les molécules actives sont évaluées, les mélanges commerciaux étant ensuite évalués ou réévalués, puis autorisés (ou interdits) par chaque Etat membre. »

La revue de presse d’Agrobiosciences donne un aperçu fidèle et complet des réactions dans la presse.

 

Stéphane Le Foll « lâche » son ministère !

Sous le titre « Plainte contre le ministère pour avoir autorisé des produits après avis défavorable de l’Anses (Générations Futures) », La France Agricole cite la réaction de Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture, à l’accusation portée contre la DGAL. Après avoir apporté quelques timides éléments de réponse, « le ministre « demande à la DGAL de répondre point par point à toutes les questions posées par Générations futures, et de rendre ces informations publiques au début de la semaine prochaine, car dans ce dossier comme sur tous les sujets sanitaires, la transparence est de mise. (…) [Le ministre demande en outre] un audit pour identifier les blocages et proposer des solutions garantissant une plus grande réactivité dans la mise à jour de cette base de données, et toute la clarté dans les décisions qui sont prises ». Autrement dit, S Le Foll lâche son ministère et se plie immédiatement aux exigences de F Veillerette…

Cette posture de S Le Foll a fait l’objet d’un débat de fond sur Alerte environnement dans deux articles : « Stéphane Le Foll : sous influence écologiste » et « A quoi sert Stéphane Le Foll ? ». Même si tout le débat n’est pas de haut niveau, il vaut le détour.

 

La réalité

Sous le titre « Pesticides : le manque de vigilance du ministère de l’Agriculture mis en cause », le quotidien Les Echos fait également mention de la déclaration de S Le Foll, mais relève aussi un propos révélateur de F Veillerette (porte-parole de GF) : « Dans certains cas, les industriels seraient en droit de râler car il n’y a pas eu de décision »

GF utilise astucieusement les difficultés et retards, dus essentiellement à la priorité qui a été mise, depuis plusieurs années, au travail de l’ANSES au détriment de celui de la DGAL.
Ce faisant, comme le suggère un tweet d’Agriculture et Environnement, GF joue à Tullius Détritus, le semeur de zizanie de la bande dessinée. Et ça marche !

 

 

 

 

Mais, même GF sait que les dysfonctionnements, réels, sont, dans les faits, mineurs.
Et même que les premiers à souffrir d’une telle situation sont les industriels, mais aussi et surtout les agriculteurs, qui attendent des décisions durant, quelquefois, des années, pour résoudre des usages orphelins.

Le dispositif français d’évaluation et gestion des produits phytosanitaires n’est certes pas parfait. Il est cependant un des plus robustes dans le monde, avec une séparation nette de l’évaluation du risque, confiée à l’ANSES, et de la gestion et de la décision, confiées au Ministère de l’agriculture (DGAL, Direction générale de l’Alimentation), en lien avec les ministères en charge de l’écologie, de la santé, de la consommation et du travail.
L’ANSES évalue et émet des avis. Ces avis peuvent être révisés en fonction des compléments d’informations apportés par les firmes demandeuses ou suite à des observations sur le terrain.

Ensuite la DGAL gère ces avis et décide d’autoriser, de ne pas autoriser ou de modifier les autorisations existantes. Il est à noter, qu’en aucun cas, le ministère n’est tenu de suivre l’avis de l’ANSES.

 

Les vrais problèmes de terrain

Le Collectif Sauvons Les Fruits et Légumes de France (CSLFLF) a adressé un courrier à Stéphane Le Foll exprimant sa « stupéfaction devant la réaction du Ministère de l’agriculture à l’action de Générations futures ». Le CSLFLF y rappelle les fondamentaux : l’utilité des produits phytosanitaires pour des produits abordables et de qualité, la responsabilité des producteurs, la qualité de la réglementation française et européenne.

Le CSLFLF rappelle que les « vrais problèmes de terrain » posés aujourd’hui aux producteurs de fruits et légumes sont :
« – Le manque de solutions techniques et de produits efficaces qui entraîne un développement des maladies émergentes
La surrèglementation environnementale qui renforce la décroissance des filières de fruits et légumes. Dans notre pays, la production de fruits et légumes tout comme le nombre de producteurs ont diminué d’un tiers en moins de 10 ans, entraînant ipso facto la perte de très nombreux emplois.
Au niveau européen, l’harmonisation réglementaire qui devait avoir lieu n’existe toujours pas dans la réalité. De nombreuses distorsions de concurrence continuent d’exister »