Documentation d'actualités, Veille sociétale

Bourguignon, agronome, spécialiste des sols et… à la dérive

19 nov. 2014

1411ClaudeBourguignon En général, les réseaux sociaux et les médias alternatifs adorent Claude Bourguignon, sa critique argumentée, véhémente, bougonne et pleine de verve, de l’agriculture intensive destructrice des sols. Mais ses arguments sont-ils aussi pertinents et évidents ?

Pour se faire une idée du discours de Claude Bourguignon (et de Lydia son épouse, plus discrète, mais également impliquée), rien de plus facile. Les vidéos et prises de position sont présentes en nombre sur Internet. Voir par exemple :
« Claude Bourguignon – Protéger les sols pour préserver la biodiversité » (conférence débat)
ou « Revitalisation biologique sols-cl. bourguignon-agriculture » (vidéo mettant en avant l’image sympathique d’homme de terrain)

Claude Bourguignon truffe son discours d’affirmations bien illustrées et pleines de bon sens, souvent évidentes pour les agronomes et les agriculteurs soucieux de leurs sols, par exemple concernant le respect de la matière organique du sol.
Mais son discours récurrent va beaucoup plus loin. Pour lui, l’agriculture moderne, les labours profonds et les pesticides ont tué les sols. Résultat : « Nous ne faisons plus d’agriculture en Europe. Nous essayons de maintenir vivantes des plantes qui ne demandent qu’à mourir »
Une telle critique, radicale, de l’agriculture est évidemment bien accueillie par les environnementalistes, aussi bien à gauche qu’à droite, qui y voient la confirmation scientifique et de bon sens de leurs craintes et de leurs griefs.
Le Nouvel Observateur les présente comme « les médecins de la terre », aidant les paysans à produire sans pesticides. Les moutons enragés, comme Egalité et réconciliation le mettent en avant.

Tout le monde ne se laisse cependant pas prendre à son discours.

Dans « Pas à pas, sur le vain chemin du prophète Bourguignon », Alambic city, viticulteur bloggeur, fait une critique équilibrée et argumentée d’un article inspiré des thèses de C Bourguignon. Alambic City reprend les arguments de C Bourguignon point par point et explique concrètement  en quoi ils sont souvent faux. Il souligne d’une part le parti pris de C Bourguignon pour le bio et d’autre part son catastrophisme systématique autant qu’injustifié.
Ses paragraphes de conclusion valent d’être lus.
Extrait : « Le scientifique Claude Bourguignon milite aujourd’hui pour la viticulture biodynamique qui est une approche irrationnelle fondée sur des croyances, mais absolument pas sur des preuves objectives. Ceci m’inquiète profondément. J’avais de l’estime pour ce personnage qui parle très bien de ce qu’il connaît le mieux : la vie du sol. (…) Claude Bourguignon a longtemps gardé la tête dans le sol, mais il a fini malheureusement par la relever un peu trop haut. Il va devoir regarder un peu moins la lune et les nuages pour repositionner l’intelligence de son regard au niveau de la production végétale qui en a tant besoin. Car, comme Jean-Marie Pelt prétend combattre le mildiou de la vigne en excitant des protéines par des vibrations musicales, Monsieur Bourguignon est en train de sombrer dans l’obscurantisme d’une religion douteuse. »

Dans « Je ne suis pas fan de Claude Bourguignon », Philomenne, autre bloggeur (bloggeuse d’ailleurs), ingénieure agronome, plutôt favorable au bio ou à des démarches alternatives, exprime des critiques similaires. Ayant un a priori plutôt favorable envers Claude Bourguignon, à l’écoute de sa conférence, elle « commence à tiquer pendant l’exposé des faits, parce que tout est mélangé et sans nuance ».
Elle « tique également beaucoup sur la forme, le discours catastrophiste et l’habitude de dire que les sols sont « morts » » Elle est également très choquée de certaines réponses très approximatives et péremptoires à des questions concrètes du public.
Sa conclusion : « Je suis bien consciente, en écrivant ce billet, de jouer les iconoclastes. J’en suis désolée ; déboulonner une statue ne me distrait pas particulièrement. J’étais arrivée à cette conférence avec le sourire, toute prête à dégainer mon admiration et en fait, plus le temps passait, plus j’étais consternée. J’en ai retenu une chose : ce n’est pas parce qu’on est en rupture avec le système qu’on a forcément raison, ce n’est pas parce qu’on fait l’objet d’un emballement médiatique et alternatif qu’on est forcément dans le vrai »
Et pour terminer par une note positive, elle conseille à juste titre un entretien vidéo avec Christian Walter, professeur de science du sol à Agrocampus Ouest (Rennes).

Claude Bourguignon, scientifique à l’origine, est à la dérive. Alarmiste et catastrophiste, il alimente une vision passéiste et anti-scientifique de l’agriculture.

1411WalterScienceSol

Entretien vidéo avec Christian Walter, Agrocampus Ouest