A la Une, ONG, "Sonneurs d'alerte", etc., Veille sociétale

Perturbateurs endocriniens : Exppert4, une enquête tirée par les cheveux

16 mars 2015

Générations futures, association anti-pesticides par principe, vient de publier sa nouvelle enquête, EXPPERT4, basée sur l’analyse de 28 échantillons de cheveux  de « franciliennes en âge de procréer ». Enquête vide de contenu scientifique, mais à visée toujours plus médiatiquement alarmiste.

Destinée à alimenter son lobbying dans le cadre de l’élaboration de la réglementation européenne sur les perturbateurs endocriniens (PE), cette enquête reconnait elle-même, si on la lit bien, que ses résultats « n’ont pas de valeur statistique significative au regard du faible nombre d’échantillons analysés, mais sont illustratifs de la problématique traitée »
En fait l’étude de GF n’a rien de scientifique.
– Elle est faite avec le but revendiqué de « dénoncer l’impact et l’exposition aux pesticides ».
Les substances analysées ne sont en rien représentative de l’exposition réelle aux substances ayant une activité endocrinienne.
Une grande proportion des pesticides analysés ne sont plus utilisés aujourd’hui (pratiquement tous les organochlorés). Pour les autres substances, on peut parler d’activité endocrinienne, mais, pour la plupart, à court terme et sans conséquence sanitaire démontrée.
–  Les rares chiffres donnés par l’étude n’ont aucune signification : par exemple le nombre de pesticides retrouvés, qui est illustratif de la seule performance des laboratoires ; ou la concentration dans les cheveux, que personne n’est capable de mettre en relation avec un niveau de toxicité éventuelle.
– Mais surtout, la rédaction de l’étude et ses illustrations faussement humoristiques sont totalement orientées dans le but de provoquer la peur. Le fait d’impliquer des « femmes en âge de procréer » n’est évidemment pas innocent ; On y déverse des formules chimiques ; On s’y délecte de démontrer que les pesticides « tuent », oubliant qu’ils sont utilisés parce qu’ils protègent les cultures, et sont de plus en plus sélectifs de la biodiversité ; On y déverse des chiffres gonflés parce que s’exprimant en unités minimes.

Bref, comme le titre Atlantico, interviewant Jean-François Narbonne, expert à l’ANSES, « Des pesticides dans les cheveux : l’étude qui fait peur sans raison scientifique valable ».
Quelques extraits :
– « Les principaux perturbateurs endocriniens, comme le soja, ne sont pas mentionnés, or l’exposition moyenne de la population à la génistéine du soja est de 500 nanogrammes par personne et par jour »

– « Il y a un problème de définition : un perturbateur endocrinien, cela veut tout dire et cela ne veut rien dire. Endocrine, cela signifie ce qui contrôle les hormones. Mais si par exemple vous allez dehors et qu’il fait froid, votre sécrétion de tyrosine chutera. Ce qui voudrait dire que le froid est un perturbateur endocrinien. Le mécanisme de perturbation endocrinienne est impliqué dans de nombreuses maladies mais ce n’est pas parce que vous avez une perturbation endocrinienne que vous aurez la maladie. »

Mais surtout : « Nous sommes de moins en moins exposés. Nous sommes passés de 1500 pesticides autorisés à 450. La dernière étude chez les femmes en âge de procréer montre qu’il y a jusqu’à 26 résidus de perturbateurs endocriniens dans les urines. Tous ces chiffres-là, nous les avons. Mais ils diminuent régulièrement depuis 30 ou 40 ans, à raison de 3% en moyenne par an. On dit qu’il y en a plus qu’avant, mais en fait il y en a beaucoup moins. Nous avons simplement appris à les détecter. »

Mise à jour du 16 mars:
Jean-François Narbonne précise son point de vue dans un article du Huffington Post. Il y explique par exemple que l’exposition aux organo-chlorés, interdits pour la plupart aujourd’hui, et aux PCB a diminué de 10 à 100 fois depuis les années 1970. Sa conclusion est claire :
« Il est nécessaire qu’il y ait des lanceurs d’alerte et des citoyens attentifs aux effets sur la santé et l’environnement et pour stimuler les politiques. Cependant, apporter des réponses aux questions de santé publique demande des compétences et des moyens de recherche inaccessibles aux associations. De plus il existe une dérive de ces associations qui exploitent à des fins bassement politiques l’émotion suscitée par des interprétations très orientées des données scientifiques. »

1503Atlantico_cheveux_femmes