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Néonicotinoïdes : se méfier des préjugés

04 juin 2015

1404Abeilles Les néonicotinoïdes font l’objet d’un acharnement médiatique de la part de certaines ONG, qui y voient la cause principale, sinon unique des mortalités d’abeilles. Les agriculteurs (et les apiculteurs qui travaillent avec eux) ont un point de vue quelque peu différent…

Un harcèlement médiatique et politique sans précédent

L’Assemblée Nationale a voté, contre l’avis du gouvernement, l’interdiction totale de tous les néonicotinoïdes et de tous leurs usages sans distinction à partir du 1° janvier 2016. Voir ici. Cette interdiction, qui poserait des problèmes importants de conformité au droit européen, ne sera effective que si elle est également adoptée, dans les mêmes termes par le Sénat qui doit en discuter début juillet.
Les ONG environnementalistes exercent une pression importante. Pour « sauver les abeilles », Nicolas Hulot lance par exemple une pétition pour un moratoire sur les pesticides néonicotinoïdes.

Le point de vue des producteurs de fruits et légumes

Les producteurs de fruits et légumes sont susceptibles d’être particulièrement pénalisés par une interdiction sans discernement des néonicotinoïdes pour plusieurs raisons :

Plus de 2/3 des substances phytosanitaires ont été retirées depuis 2007. Dans toutes les cultures, les solutions pour protéger les cultures commencent cruellement à manquer. Même si elles constituent un grand espoir, les solutions alternatives commencent tout juste à se développer et sont absentes ou insuffisantes dans la plupart des cas.
Pour les fruits et légumes, les impasses en matière de protection phytosanitaire sont encore plus nombreuses, du fait des faibles surfaces concernées. La protection apportée par les néonicotinoïdes est, pour certaines cultures, indispensables pour protéger de certains ravageurs.
Réduire les risques liés à l’emploi des insecticides et en optimiser les bénéfices est la tâche quotidienne des producteurs. Ils mettent en œuvre la protection intégrée : moyens agronomiques et préventifs, gérer les résistances des insectes nuisibles, employer des insecticides ciblés et ayant le moins possible d’impacts négatifs (dont les néonicotinoïdes), favoriser les auxiliaires naturels, utiliser des moyens de biocontrôle, etc. La diversité des outils est un élément essentiel pour réduire les risques.
– Dans certains cas, une interdiction des néonicotinoïdes rendrait pratiquement impossible la lutte contre certains parasites (virus ou autres, y compris de quarantaine) transmis par des insectes.
– Alors que les produits agricoles européens arrivent librement sur nos marchés, une interdiction uniquement française et sans discernement entrainerait des grandes distorsions de concurrence avec les autres producteurs européens (voire mondiaux). Certaines productions, ancrées dans les territoires, sont directement menacées dans leur existence même : salades 4° gamme, fraises, noisetier… et avec elles le tissu économique lié. En France, les fruits et légumes représentent 400 000 ha en production, et des dizaines de milliers d’emplois.

Les néonicotinoïdes sont une famille d’insecticides de dernière génération et plutôt sûrs:

Les néonicotinoïdes ont une certaine toxicité sur les insectes non cibles. Mais les décisions d’homologation prennent en compte cette toxicité et permettent des usages ayant des risques négligeables pour l’applicateur, le consommateur, les abeilles et l’ensemble de l’environnement.
– Globalement, l’emploi des néonicotinoïdes selon les autorisations ne laisse pratiquement aucun résidu. En traitement de semences, les quantités employées par ha sont extrêmement basses et le risque applicateur est pratiquement nul

Une interdiction des néonicotinoïdes n’apporterait rien aux abeilles :

– Avant tout alarmisme, les deux études scientifiques récentes (voir ici, ici et ici) (all in English) mettant en cause les néonicotinoïdes devraient être évaluées avec soin. D’une part elles contredisent d’autres études menées à un niveau international (voir par exemple ici). D’autre part, elles ont été conduites en soumettant les abeilles et les pollinisateurs à des niveaux d’exposition qu’on ne rencontre pas en situation réelle.
Les producteurs de fruits et légumes vivent en bonne intelligence avec les pollinisateurs, les abeilles et les apiculteurs, dont les producteurs de fruits et de légumes en serre ont d’ailleurs besoin. L’expérience des producteurs montre concrètement que cela ne pose aucun problème ni aux abeilles, ni aux pollinisateurs. Les arboriculteurs abritent d’ailleurs massivement des mésanges, oiseaux insectivores, pour limiter les populations d’insectes nuisibles.
En France, les abeilles font face à des maux autrement plus graves pour elles : parasitisme, maladies, manque de nourriture, insuffisante biodiversité. Dans certains cas, des apiculteurs amateurs, insuffisamment formés, peuvent mettre en danger leurs propres ruches… et accusent un peu rapidement les néonicotinoïdes. Voir ces articles de La Voix du Nord, La Nouvelle République et d’Agriculture et Environnement.

Conclusion

Les néonicotinoïdes font l’objet d’un acharnement médiatique de certaines ONG sur une base émotionnelle. Mais en fait ils sont des spécialités de dernière génération ayant été homologuées après des évaluations très précises aux niveaux UE et France. Leur disparition serait synonyme de disparition de certaines cultures en France.
Certes les néonicotinoïdes comme tous les produits actifs et utiles peuvent s’avérer dangereux s’ils sont mal utilisés. Mais les interdire serait un remède pire que le mal.
Les producteurs et leurs organisations sont attachés à des décisions réglementaires basées sur la science et sur l’évaluation de la balance bénéfices/risques. Le législateur ne devrait pas prendre de décision sous le coup de l’émotion, mais au contraire à bien prendre en compte tous les éléments apportés les données scientifiques et l’expérience des producteurs.