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Histoire : La longue lutte des agriculteurs contre les « mauvaises herbes » vue par l’INRA

24 août 2015

On trouve la trace des dégâts des « mauvaises herbes » dans les récoltes dans des temps très anciens. Avant les désherbants de synthèse, les moyens utilisés pour en venir à bout étaient à la fois fatigants, peu respectueux de l’environnement et… peu efficaces. Quelques pages pédagogiques émanant de l’INRA montrent l’importance de la question du désherbage tout au long de l’histoire de l’agriculture.

Les mots de l’agronomie est un dictionnaire collaboratif en ligne coordonné par un comité éditorial émanant de l’INRA[1]. Les pages évoquant la question du contrôle des adventices (« mauvaises herbes ») dans les cultures sont riches d’un point de vue historique

« Mauvaise herbe »

« Mauvaise herbe » : « Le problème des mauvaises herbes est consubstantiel à l’agriculture, apparue quand les hommes ont commencé à favoriser les plantes qu’ils désiraient récolter, et pour cela à « tirer les herbes qui par l’abondance des pluyes & luxure de la terre, abondent et surmontent le grain nouvellement levé » (Estienne & Liébault, 1565, f. 98v) »
Les textes historiques sont nombreux à mentionner les grandes difficultés de l’agriculture face aux mauvaises herbes :
Xénophon en 375 avant JC,
La parabole du bon grain et de l’ivraie dans l’Evangile de Matthieu,
L’agriculture et maison rustique de Estienne et Liebault en 1565
L’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert en 1757
etc.

L’agriculteur favorise lui-même la propagation des mauvaises herbes, par le fumier et le pâturage, par les semences mal triées, par les machines (de récolte ou de travail du sol).
Et, « une fois sur place, pas facile de s’en débarrasser ». Les annuelles sont très prolifiques en semences. Mais « Avant les herbicides chimiques sélectifs et, de nos jours, dans les systèmes « bio », les vivaces posent les plus grandes difficultés, en particulier les chardons – il fallait échardonner à une date précise, car trop tôt, ils repoussent, trop tard ils grainent »

« Désherbants, herbicides : un peu d’histoire »

« Désherbants, herbicides : un peu d’histoire » : Avant le XX° siècle, on trouve déjà des indications d’utilisation de substances chimiques comme désherbant : Le sel dans l’antiquité, la chaux vive, le sulfate de potassium. Mais « Ces rares exemples historiques concernent des mentions d’effets délétères de produits chimiques sur des plantes, mais pas de tentatives de désherbage chimique épargnant la culture. »
A la toute fin du XIX° siècle, commence l’aventure des désherbants sélectifs : sulfate de cuivre, sulfate de fer… L’acide sulfurique a connu un grand essor dans les années 1920 et il est resté homologué jusqu’en 1979. Voir film historique de 1929 à ce sujet ici sur ForumPhyto.
A partir du milieu du XX° siècle, l’industrie chimique commence à développer des substances organiques de synthèse : DNOC, 2,4-D, MCPA… Puis les désherbants modernes. Par exemple les triazines ont «  transformé la culture du maïs qui n’est plus forcément une culture sarclée, très sensible dans les premiers stades à la concurrence des adventices et qui pourra se développer ».

L’article montre bien les raisons du développement des herbicides : éviter « le long et fastidieux désherbage des céréales et du lin (et même des cultures sarclées)( un labeur essentiellement féminin de 4 à 7 jours d’une personne pour nettoyer un hectare de blé) », « développement de l’enseignement des enfants », « Les deux guerres mondiales, avec les hécatombes chez les hommes et la dégradation des exploitations, ont renforcé le besoin de modernisation de l’agriculture (production accrue par une main d’œuvre réduite) »

Deux autres articles

Deux autres articles de ces mots de l’agronomie compléteront le tableau historique des mauvaises herbes :

« Ecobuage » : L’écobuage (à distinguer du brûlis) consiste à « peler (la terre) en arrachant les mottes, avec les herbes et les racines, que l’on brûle ensuite pour fertiliser le sol avec les cendres » C’était un travail lourd ne respectant en rien la vie du sol. Mais, en l’absence de pesticides sélectifs, il permettait de limiter la prolifération des maladies et des mauvaises herbes.

« Repos et fatigue des terres » : Les causes de ce qui était appelé la « fatigue » des terres sont : « épuisement ou moindre disponibilité des éléments nutritifs, envahissement par des adventices, accumulation de parasites ou pathogènes transmis par le sol, déséquilibres entre populations microbiennes, tassement et réduction de l’aération, accumulation de composés minéraux ou organiques toxiques, etc. »

Notre conclusion

« Il n’y a pas de mauvaises herbes, seulement des plantes dont on ne connait pas encore l’utilité » : Certains environnementalistes aiment à utiliser cette formule, avec de nombreuses variantes. Dans l’absolu pourquoi pas…
Mais, concrètement, pour tous les agriculteurs, en tous temps et en tous lieux, une herbe qui s’invite, qui prend la lumière et les nutriments des plantes cultivées et/ou qui entrave la récolte, reste un obstacle majeur à l’agriculture.

Empêcher les « mauvaise herbes » de ruiner la production agricole est une nécessité. Le faire en respectant l’environnement et la santé humaine, et en ne contraignant pas les agriculteurs à l’esclavage est aussi une nécessité. Nécessités auxquelles contribuent les désherbants modernes, avec d’autres outils : rotation, façons culturales, binage mécanique (de plus en plus précis et efficace) et binage manuel (le moins possible !)

Ces articles des mots de l’agronomie sont un bon outil pour mettre fin à certaines idées reçues, en particulier les « yaka supprimer les herbicides »…

[1] Institut National de la Recherche Agronomique

Travail manuel dans les champs au début du XXe siècle (Coll. J.L. Bernard)

Travail manuel dans les champs au début du XXe siècle (Coll. J.L. Bernard)