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Cash Investigation est en service commandé et ment par omission

02 févr. 2016

1602CashInvestigation Le titre du Cash Investigation (France 2) du 02 février 2016, émission d’information d’Elise Lucet : « Produits chimiques : nos enfants en danger ». Le lendemain, le réalisateur du reportage sort un livre avec le même titre. Les réseaux sociaux et les médias environnementalistes ont battu le rappel pour que l’émission fasse le maximum d’audience. Un peu de recul s’impose.

Voir la page de FranceTV Info consacrée au « replay » de l’émission

Générations Futures assure le service avant-diffusion

Sur son site, Générations Futures, ONG anti-pesticides par principe, annonce fièrement avoir « grandement travaillé (au documentaire) en relation étroite avec le journaliste Martin Boudot pendant près d’un an ». Et annonce déjà que cette émission leur « sera très utile pour faire avancer [leurs] dossiers »
Cela n’a pas échappé à Alerte Environnement qui conclut : « Bref, il faut s’attendre à ce que le documentaire de Cash Investigation soit du « Générations Futures » survitaminé. »

Cash Investigation ment par omission

Qu’une émission d’actualité fasse une enquête sans ménagement pour des filières est en soi une bonne chose. Dans le cas présent, on peut d’ores et déjà regretter l’approche uniquement à charge du reportage. Seule nuance : dans le débat qui suit en 2° partie de soirée, Jean-Charles Bocquet, directeur de ECPA (firmes phytos au niveau européen) a été invité à participer au débat. C’est loin d’être suffisant pour équilibrer le débat face à tous les autres intervenants uniment à charge…

Pourquoi peut-on dire que Cash Investigation ment par omission ?

Cash Investigation a raison de mentionner que les produits phytosanitaires peuvent être dangereux. Et qu’ils ne doivent pas être utilisés à la légère.
Ceci étant dit, Cash Investigation pèche essentiellement par omission.
Aucune mention de l’utilité des pesticides : Que proposent les prophètes de malheur face au virus Zika (santé humaine), à la mouche Drosophila suzukii (dévastant les fruits rouges), au mildiou (ennemi historique des pommes de terre et de la vigne), etc.
Aucune mention des démarches de progrès passées ou en cours : gestion des emballages vides et des produits non utilisés, protection des utilisateurs
Aucune mention des améliorations passées ou en cours des produits eux-mêmes : substances actives plus sélectives, plus dégradables, moins impactantes, amélioration des formulations (par exemple granulés au lieu de poudre),
Aucune mention des améliorations du matériel de pulvérisation : postes de remplissage, contrôle obligatoire des pulvérisateurs, précision accrue, dispositifs anti-dérive
Aucune mention des mécanismes de décisions chez les agriculteurs : formation, information, outils d’aide à la décision
Aucune mention des réglementations européenne et française, parmi les plus restrictives au monde
Aucune mention de la diminution massive des volumes utilisés déjà réalisée :50% de moins en 50 ans.

Et ce n’est pas la 1° fois…

Ce n’est pas la 1° fois que Cash Investigation pèche ainsi par omission, au point de déformer gravement les faits.

Le blog Une (petite) vie de fourmi a, par exemple publié la réponse de Jean-Paul Morin, chercheur à l’INSERM, à l’émission Cash Investigation sur le diesel de 2013.
Connaisseur des impacts sanitaires des aérosols issus de la combustion des moteurs, il a été fait appel à son expertise en amont de l’émission. « Résultat de tout ce travail, la diffusion d’un reportage idéologique exclusivement à charge contre le diesel »

« En conclusion, piéger des gens honnêtes dans leur approche de ces questions comme vous l’avez fait pour ce reportage est la démonstration d’une malhonnêteté intellectuelle patente assénée dans les médias en toute impunité sans jamais offrir un droit de réponse aux individus que vous piégez par une habile censure réalisée au montage pour faire de l’audience prospective qui vous permet de vendre à prix d’or vos reportages aux chaines télévisées avides de sensationnel. Tout cela est bien pitoyable, et comme d’habitude il n’y aura pas de droit de réponse et la la restauration de l’image et de la réalité des faits scientifiquement démontrés, prouvés et validés par la communauté scientifique n’aura pas lieu. »

Notre conclusion

Les agriculteurs sont dans une démarche constante de progrès pour améliorer leurs pratiques (voir plus haut). A chaque fois que les producteurs peuvent se passer des pesticides (naturels ou de synthèse), ils s’en passent, et avec plaisir ! Mais les agriculteurs, comme l’ensemble de la société, a BESOIN des pesticides. Car la nature n’est pas a priori bienveillante : les cultures doivent être protégées.
L’heure est grave. Il est urgent que les médias et le personnel politique arrêtent d’être les serviteurs de la démagogie environnementaliste primaire. La profession agricole est maintenant mobilisée pour expliquer la réalité de son travail et sa qualité. Il faut encore développer cette mobilisation pour faire que les médias finissent faire des émissions un peu plus équilibrées.

Pour aller plus loin sur la question des pesticides:
– « « Les agriculteurs français surconsommateurs de pesticides ? » (AFIS) »
– « Impact des pesticides : pourquoi et comment diminue-t-il ? »

Commentaires de Julien Laudet le 04 février 2016 :
Dans votre lien suivant :
http://www.forumphyto.fr/2016/02/02/cash-investigation-en-service-commande-ment-par-omission/
vous rappelez qu’il y’a eu peu de temps de parole pour les entreprises incriminées.
Un vrai travail de journaliste vous aurait fait écrire qu’il n’y a pas eu beaucoup de contradictoire car les entreprises ont refusé de participer et de répondre aux questions. On ne peut pas refuser des interviews et dire que l’on a pas pu s’exprimer après. Participez aux échanges avec les citoyens, expliquez les bénéfices des produits phytos, reconnaissez qu’il y a eu certaines dérives. Un débat est sain quand il y a une volonté d’exposé des arguments sans cachez certains faits
Cordialement.
Julien Laudet

Notre réponse (ForumPhyto) le 4 février 2016 :
Bonjour
Merci pour votre message
Si vous en êtes d’accord, nous le publierons sur le site en tant que commentaire.
Souhaitez-vous le signer ?
Nous y apporterons la réponse suivante.
Il est vrai que certaines entreprises de la chimie n’ont pas souhaité participer au plateau suivant l’émission.
Notons cependant que le directeur de l’association européenne des firmes phytos l’a fait.
Pour ce qui est du reportage, il n’est pas très étonnant qu’un journaliste se réclamant de Cash Investigation ait du mal à être reçu à bras ouverts par les visités, firmes ou autres.
Tout le monde connait les déboires par exemple de Jean-Paul Morin, chercheur à l’INSERM en octobre 2013 dans le Cash Investigation sur le diesel (voir son témoignage en lien dans notre article).
De plus, nous n’avons pas principalement dénoncé l’absence de « contradictoire ».
Ce que nous dénonçons avec vigueur est le parti pris qui a mené principalement au mensonge par omissions, mais aussi à quelques mensonges gros comme des maisons. Le plus caricatural étant celui que nous mentionnons ici à propos des résidus dans l’alimentation (contrairement à ce qui est avancé dans l’émission, il n’y a pas 97% des aliments qui contiennent des résidus de pesticides. Il y en a 55% qui n’en contiennent aucun !)
Dernier point : ForumPhyto ne fait pas un travail de journaliste. Nous sommes une association essentiellement composée d’organisations de producteurs de fruits et légumes.

La réponse de Julien Laudet le 08 mars 2016 :
Bonjour (et désolé pour la réponse très tardive)
Vous pouvez publier mon mail. Vous pouvez également le signer en mon nom (Julien Laudet)
Merci pour les précisions apportée dans votre réponse. Il est toujours regrettable que dans un débat certains arguments soient caricaturaux. Reste que dans la masse d’informations apportées lors de cette émission, beaucoup étaient inquiétantes et obligeaient à prendre du recul sur l’utilisation des pesticides et leurs conséquences.
Cordialement
Julien