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Néonicotinoïdes : l’obscurantisme en perspective ?

22 mars 2016

Dans le cadre de la discusion sur la loi biodiversité, l’Assemblée Nationale a donc voté l’interdiction des néonicotinoïdes à partir de mi-2018. Par 30 voix contre 28, soit 2 voix d’avance sur 58 votants, alors qu’il y a 577 députés… Réactions. Suites à donner.

Les environnementalistes se réjouissent… prudemment

Conscients de la fragilité de cette décision, les environnementalistes ont le triomphe modeste.
Par exemple, dans « Néonicotinoïdes : victoire provisoire sur le fil avec 30 voix pour et 28 contre ! », Générations Futures se réjouit tout en soulignant que « la date de 2018 nous semble par contre trop éloignée »

En revanche, l’interview de Ségolène Royal, ministre de l’environnement, par Ruth El Krief sur BFMTV, ne laisse aucun doute. En bref, Ségolène Royal ne tient aucun compte de l’avis de l’ANSES. Elle accuse S Le Foll de se moquer de la santé des agriculteurs. Et elle invente de toutes pièces un supposé lien entre pesticides et cancer du sein, sans égard pour les statistiques publiées par son propre ministère. Le tout avec le rire de l’irresponsabilité totale. Extraits :

« Ségolène Royal (SR) : On sait que maintenant il y a des substituts aux néonicotinoïdes et au glyphosate  […]
Ruth El Krief (REK) : C’est ce que vous dites au ministre de l’agriculture : souciez-vous des agriculteurs aussi et de leur santé ?
SR : Exactement. (rires). Parfaitement résumé (rires de nouveau).
REK : j’ai résumé ça. Mais il y a quand même une drôle d’ambiance dans ce gouvernement.
SR : Mais non, c’est actif. On travaille. (rires).
REK : ça prouve que vous travaillez.
SR : ben oui. […]
SR : Aujourd’hui, il y a une femme sur 10 qui est touchée par le cancer du sein et on continuerait à faire comme si de rien n’était par rapport aux pesticides ? C’est inacceptable. »

 

Des réactions professionnelles

Olivier Masbou, dans « Néonicotinoïdes : on a du mal à s’y retrouver », résume la situation générée par ce vote.
Dans son communiqué de presse « Néonicotinoïdes, une interdiction plus emblématique que rationnelle », Coop de France constate que « les députés en votant l’interdiction nient le sérieux et l’indépendance de l’ANSES » et soutient la position de Stéphane Le Foll, qui, avant le vote a déclaré que « l’interdiction des néonicotinoïdes conduirait à des impasses agronomiques ou des alternatives qui ne présentent pas de bénéfice pour les abeilles mais priverait les agriculteurs français de solutions efficaces pour lutter contre les ravageurs »

Les médias agricoles rendent compte des différentes réactions des organisations professionnelles qui soulignent :
– Le handicap pour les agriculteurs français par la création d’une « nouvelle source de distorsion de concurrence face à leurs voisins européens
– L’avis de l’ANSES pour « un encadrement des pratiques mais en aucun cas l’interdiction des néonicotinoïdes »
– Le « risque accru de résistance des insectes ravageurs et d’augmentation des quantités utilisées »
– La contradiction de cette décision avec les engagements de Manuel Walls.
– « La FNSEA demande au Gouvernement et aux Sénateurs de respecter le bon sens et le principe de réalité lors de la deuxième lecture au Sénat. Réconcilions avec pragmatisme écologie et économie tout simplement. »
Voir par exemple La France Agricole, Terre-net, Agri-85.

 Et après ?

Quoiqu’en disent les environnementalistes , dans les circonstances présentes, il est utile de rappeler que les néonicotinoïdes, bien utilisés, doivent être reconnus comme un progrès pour les pollinisateurs et les auxiliaires.
Pour plus de détails, voir : « Néonicotinoïdes, glyphosate : pour des décisions éclairées et basées sur la science » et en particulier le lien vers la lettre ouverte de GEFEL aux députés.

Pour devenir effective, l’interdiction devrait être adoptée dans les mêmes termes par le Sénat dans un débat à venir.
On peut espérer que la raison l’emportera. Par une position ferme sur le fond, les organisations professionnelles peuvent y contribuer.

Mise à jour du 04 avril 2016:
Dans un article intitulé « AN : Néonicotinoïdes, coup tordu et grands effets« , l’association Sauvons nos Palmiers s’offusque du vote de l’Assemblée Nationale et des conditions dans lesquelles il est intervenu. Elle s’inquiète des conséquences d’une interdiction éventuelle dans la lutte contre le charançon rouge du palmier (CRP).