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« La carte des victimes de pesticides » : Honte à Générations Futures !

25 avril 2016

En matière de communication bâtie sur du sable, Générations Futures (GF) fait très fort en publiant une carte interactive des victimes des pesticides.

Quelle est la validité de ces témoignages ?

Cette carte a été reprise sans recul par les médias. Par exemple France 2, Le Parisien, ou même Sciences et Avenir qui demande tout de même comment « la véracité et l’exactitude de ces témoignages » seront vérifiés.

C’est effectivement la question essentielle.
En réponse à Sciences et Avenir, GF jure « faire un tri relativement efficace » et précise « Bien sûr, il pourra y avoir des personnes mal intentionnées qui pourraient faire de faux témoignages. Mais pour ceux qui figurent d’ores et déjà sur la carte, il s’agit de témoignages récoltés de longue date, recueillis à partir d’un très long questionnaire, assez complexe pour dissuader les personnes mal intentionnées. »
Ecarter les « personnes mal-intentionnées » et les « faux-témoignages » semblent bien être les deux seules vérifications opérées par GF, qui, sur le site, mentionne la validation « par leurs auteurs ». Autrement dit, GF vérifie la seule bonne foi des auteurs.

La lecture des témoignages laisse d’ailleurs pantois :
A « plus de 200 m d’un champ de maïs », « Problèmes oculaires, Problèmes respiratoires, Nausées, Maux de tête, Fatigue répétée. De même, un de nos chiens a du être emmené d’urgence chez le vétérinaire »

A « 50-100 m » d’un verger sous les vents dominants « Je n’ai pas de symptômes aigus, sauf un grand stress quand je suis réveillée par le bruit du pulvérisateur. Pour ce qui est de symptômes chroniques, mais je ne peux pas dire que la cause principale en est la proximité de ce verger, j’ai une sclérose en plaques et mon mari est décédé d’un cancer du pancréas. »

« Ce n’est peut-être pas les pesticides mais j’ai une sclérose en plaques et mon mari est décédé d’un cancer du pancréas. »

« Notre habitation est située à moins de 100 m d’une zone de grandes cultures avec un champ en blé, colza, triticale, lin, tournesol. Les passages du pulvérisateur se font plusieurs fois par an. Lorsque le pulvérisateur fonctionne, mon épouse rentre chez nous avec les enfants et ferme portes et fenêtres. »
« Je suppose le pire mais évidemment sans aucune preuve. »
Ainsi de suite…
En d’autres circonstances, cette liste à la Prévert de petits et de grands maux serait vraiment risible. Mais :
1) Il y a chez la plupart des témoins, une souffrance, indéniable et soulevant la compassion.
2) GF se livre à une véritable manipulation politique de ces témoignages.
Bref, il s’agit d’une compilation de témoignages, certes sincères pour la grande majorité d’entre eux, mais rien, absolument RIEN, qui ressemble au début du commencement d’une quelconque preuve d’un lien avec les pesticides.
Il est proprement honteux d’instrumentaliser ainsi le malheur réel des gens. Il est tout aussi honteux que des médias s’emparent d’une telle opération sans un minimum de recul.
Deux raisons peuvent expliquer le relatif succès d’une telle manipulation :

– Devant la sincérité des témoignages de malheurs, personne n’ose dire que le roi est nu, c’est-à-dire que cela n’a aucune valeur de preuve.
Le côté « participatif » est séduisant. GF fait appel à l’ensemble du public en touchant une corde rendue sensible par la simple répétition de messages alarmistes.

Une science « participative », par exemple basée sur des témoignages, est possible et utile. Mais elle n’a rien à voir avec une telle instrumentalisation d’une compilation sans précaution.

Quelques réactions du milieu agricole.

Nous ne ferons qu’effleurer la question de la réaction gouvernementale qui brille par son absence. On ne peut cependant que regretter que la Conférence Environnementale fasse la part belle à Générations Futures. Ségolène Royal, ministre de l’environnement, a même cru bon de « rendre hommage » au travail de Générations Futures ! (voir ici).

D’une façon générale, soit parce qu’elles sous-estimaient la portée de la manipulation de Générations Futures, soit parce qu’elles se sont senties impuissantes devant cette manipulation, les organisations agricoles ont peu réagi.

Mentionnons toutefois :
– L’UIPP (firmes phytos) rappelle que « La sécurité des riverains est une priorité dans l’évaluation de chaque produit phyto ». L’UIPP y mentionne la réglementation enmatière d’autorisation de mise sur le marché (AMM), la mise en place de bonnes pratiques de traitement et ajoute « Alors qu’une étude récente conduite par l’UIPP montre que globalement les riverains entretiennent de bonnes relations avec leurs voisins agriculteurs (2/3 des riverains ont une bonne opinion, seuls 0,8% des riverains en ont une mauvaise), elle appelle tous les acteurs de la filière à intensifier la promotion des bonnes pratiques plutôt que de créer des tensions entre les populations en stigmatisant les pratiques agricoles. »
– Dans « Alerte sur les risques liés aux pesticides », larep.fr rend compte de l’opération de GF, mais interroge Jean-Jacques Hautefeuille, élu FDSEA à la Chambre d’Agriculture du Loiret. Celui-ci souligne que l’étude épidémiologique Agrican, menée par la MSA depuis plusieurs années, montre que « les agriculteurs sont en meilleure santé que la population générale ». Il ajoute : « Les trois quarts [des produits] que j’utilisais lorsque j’ai commencé mon activité, il y a 25 ans, sont aujourd’hui interdits »
La Coordination Rurale (CR), syndicat agricole, titre « Pesticides : un agriculteur picard en colère après les propos de François Veillerette ». Eric Lavoine, administrateur à la CR Picardie, rappelle la réglementation phytosanitaire et « met en garde sur la « mode » actuelle qui vise une interdiction idéologique de certains produits ». Il conclut « « Les intérêts idéologiques devraient parfois cesser chez certains extrémistes de l’écologie. Ils oublient trop souvent nos réalités et le besoin primaire de toute l’humanité : se nourrir.  M. Veillerette, comme une majorité de ses camarades « écolo-bobos», se trompe de combat. Ils croient faire progresser la protection de l’environnement par des propos diffamants aux agriculteurs et par leur mise en accusation. Mais ce sont les agriculteurs qui vivent dans les espaces ruraux, qui entretiennent les territoires et qui participent au maintien d’un environnement écologiquement viable. Au lieu de passer son temps à cracher son venin sur notre profession, il ferait bien d’utiliser son énergie au maintien de l’agriculture française ! »
La Chaine Agricole, blog d’un agriculteur, lance « la carte des bonnes pratiques en agriculture ». Nous ne pouvons qu’encourager nos lecteurs agriculteurs à y participer, même si ce n’est qu’une goutte d’eau, le public potentiel étant réduit.

Mise à jour du 26 avril 2016: Sous le titre « Générations Futures : toujours plus loin dans la démesure« , Wackes Seppi fait sur son blog une analyse analogue à la nôtre, en plus détaillée concernant les témoignages et en plus sarcastique. On ne peut que lui donner raison.
Il compare la manipulation de GF à celle de la propagande à la Goebbels de sinistre mémoire. Il ajoute : « Mais leur manque de scrupules n’a d’égal que celui des – nombreux – médias qui ont relayé l’« information » sans la moindre vérification ni le moindre recul. L’Obs en fournit un exemple éclairant. FranceTVInfo fait dans le Roger Gicquel de sinistre mémoire avec « Pesticides : les Français ont peur pour leur santé ». Ils ne sont pas les seuls à faire dans la démesure. Il y a certes GF et son fond de commerce ; et, hélas, il y a la confrérie des amis, inconditionnels, de GF dans la médiasphère. C’est triste ! »

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Notre conclusion

En tant qu’instrumentalisation des malheurs des gens portant témoignages sincères, la carte de Générations Futures doit être dénoncée comme une honte.
Les organisations agricoles devraient prendre la question de la relation avec le public plus au sérieux. Il faut parler ouvertement et massivement du métier d’agriculteur, y compris de la protection phytosanitaire, qui inclut agronomie, mesures préventives, biocontrôle et « pesticides » (bios ou synthétiques).

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