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Entre bio « historique » et bio « industriel » : l’heure de vérité a-t-elle sonné ?

23 nov. 2016

Le débat entre bio et bio, entendre : entre bio « industriel » et bio « historique », est à la fois technique, économique, politique et idéologique. Il s’annonce chaud. Des changements en profondeur sont en cours. La survie des organisations liées au bio « historique » est en jeu.

Dans « Un agriculteur bio, passionné et réaliste, défend les hybrides », nous avons déjà mentionné un débat « technique » entre différents courants de la bio. Le débat autour de l’utilisation d’hybrides a aussi évidemment des dimensions économique et idéologique.

Dans « Un bio de plus en plus industriel à éviter », Natura-Sciences constate : « En France, les exploitations dépassant10 hectares de serres ou100 hectares de cultures en plein champ sont rares. Dans le reste de l’Europe, notamment en Espagne, en Allemagne ou dans les pays de l’Est, ces exploitations sont beaucoup plus développées. Ces tailles permettent de faire des économies d’échelle. »
Pour contrer ces « dérives du bio industriel », Natura-Sciences suggère de privilégier les circuits courts.

« Produire bio : un business comme les autres ? » est un documentaire vidéo par Arte dont l’idée maitresse est : « A l’origine le concept d’agriculture bio s’opposait à celui du gaspillage des ressources rattaché à l’industrie agricole conventionnelle. Mais les grands groupes agricoles internationaux se sont appropriés cette noble idée et l’ont dénaturée en lançant une fois de plus des productions de masse. » Malgré son aspect moralisateur, le reportage montre bien la transformation en cours du bio en industrie à l’échelle européenne et internationale, mais aussi sa dépendance aux subventions européennes…

Dans « Laurent Wauquiez confie la bio aux agro-industriels », Reporterre décrit la transformation en profondeur de la politique du bio en Auvergne–Rhône-Alpes. Selon Reporterre, Laurent Wauquiez, président de Région, veut « confisquer la bio à ses défenseurs historiques pour mieux la confier aux industriels de la FNSEA. » Le soutien de la Région à la bio serait maintenu, mais « le réseau des Amap, Terre de liens, la Frapna, le rés’OGM Info, etc. : la liste est longue des associations promouvant le bio qui perdent des financements. »

Le soutien serait plus orienté vers les Chambres d’Agriculture, ce qui soulève l’ire des « structures historiques de la bio en France [qui] se voient [ainsi] directement remises en cause.
D’autres régions, par exemple Ile de France ou Normandie, ont également fortement réduit les subventions au bio « historique ».

D’une certaine façon, quoiqu’on pense par ailleurs, c’est un certain clientélisme qui s’effondre : Les associations qui sont menacées le sont du fait de leur dépendance malsaine aux subventions. Par exemple Rés’OGM Info. En ce sens et au fond, cet effondrement est plutôt sain. Ou alors cela signifie-t-il que le bio n’est pas aussi rentable que ne l’affirme ses partisans ?

Notre conclusion

Le bio correspond à une demande d’une frange de la société qui rêve d’un bio traditionnel produit par des petits agriculteurs et commercialisé en circuit court. Mais la logique économique est plus forte. Le bio est plus tributaire encore que le reste de l’agriculture du coût de la main d’œuvre et a une productivité plus faible. Donc, pour survivre, les économies d’échelle et la commercialisation en grande surface sont inéluctables. On est alors dans le bio « industriel ». Avec cette nouvelle donne, y-aura-t-il toujours une demande pour le bio ? et pour quel bio ? L’heure de vérité du bio a sonné.

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Actualisation au 24 novembre 2016 :
Sous le titre « La France, championne d’Europe de l’agriculture bio en circuit court, mais plus pour longtemps ? », Bastamag constate que la France est, pour l’instant, « en pointe en Europe dans le développement de circuits courts ». Il dresse un tableau idyllique de la consommation et de la production bio en croissance. Bastamag voit pourtant l’avenir du bio et des circuits courts en noir en 2017. Les responsables ? La droite qui aurait pour mot d’ordre « à mort l’agroécologie, vive les pesticides et les OGM. » Décrivant leurs prises de positions, Bastamag conclut : « Avec ce type de responsables politiques, pas sûr que la France demeure bien longtemps championne d’Europe dans la lente construction d’un modèle agricole satisfaisant pour tous. »
Un « modèle agricole satisfaisant pour tous » serait menacé par la perte de quelques dizaines de milliers d’euros de subventions ??!! Sans pour autant nier que le politique puisse avoir une certaine influence sur l’économique, on peut dire que cette analyse est à courte vue et teintée de complotisme.