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Le cuivre en bio : indésirable et indispensable. Peut-on en « sortir » ?

29 janv. 2018

Les composés à base de cuivre sont des pesticides-clefs en Agriculture Biologique, en particulier contre le mildiou de la vigne, la tavelure du pommier et le mildiou de la pomme de terre. Le plus connu de ces composés est la bouillie bordelaise, qui est du sulfate de cuivre neutralisé par de la chaux éteinte. Or le cuivre a des effets délétères reconnus et importants sur la vie du sol. Il est également reconnu comme préoccupant pour la santé des oiseaux et des mammifères, y compris les humains.

Dans « Peut-on se passer du cuivre en agriculture biologique ? », l’INRA rend compte d’une Expertise Scientifique Collective (ESCo) visant à trouver des alternatives à ces composés.

Voir présentation, résumé (pdf, 8 pages), synthèse (pdf, 70 pages) de l’ESCo sur le site de l’INRA.

Un point important est souligné : « Une diminution de moitié des quantités de cuivre appliquées en conservant une cadence d’application identique mais en réduisant fortement les doses à chaque passage et en améliorant la qualité de la pulvérisation, atteindrait, dans la plupart des cas, une efficacité identique ou très comparable à celle obtenue avec une utilisation à pleines doses. »

L’INRA liste de nombreux moyens alternatifs, même dans le cadre du cahier des charges de l’AB qui s’interdit toute substance de synthèse :
– Utilisation de préparations ou extraits naturels à activité biocide
– Organismes utilisables en lutte biologique directe
– Variétés résistantes
– Stimulateurs de défense des plantes
– Mise en œuvre de pratiques agronomiques pour lutter contre les infections primaires.
Même si elles peuvent sans doute être développées, beaucoup de ces méthodes sont peu ou prou déjà utilisées par les producteurs, en bio comme en conventionnel. Citons en particulier les méthodes agronomiques. Par exemple, le broyage des feuilles à l’automne en verger de pommiers.
Notons que l’INRA cite même « l’homéopathie ou l’isothérapie » (sic !) en en faisant une présentation, disons indulgente : « [elles] sont peu documentées, mais semblent d’une efficacité très discutable et ne constituent sans doute pas une alternative crédible »

Mais l’INRA souligne les limites de chacune de ces méthodes.

Seuls des prototypes combinant ces différentes alternatives et impliquant une « reconception de système de culture » permettraient d’atteindre le zéro cuivre. Il s’agit d’un « exercice, purement intellectuel à ce stade ».

L’exercice est intéressant. Mais, qu’on se le dise, ce n’est pas demain que l’agriculture bio sortira du cuivre.

Dans « Mildiou : l’agriculture bio ne veut plus utiliser du cuivre », Sciences et Avenir, après avoir souligné que le cuivre « est très toxique dans l’environnement », se veut optimiste sur les alternatives possibles : malgré les limites de chacune d’entre elles, « pourquoi ne pas essayer de panacher toutes ses solutions ? […] l’Inra a décidé d’investir cette voie de recherche toute nouvelle. Dès 2018, la ferme expérimentale d’Epoisses (Côte d’or) va ainsi explorer les synergies possibles entre toutes les solutions de substitution du cuivre. »

Notons qu’au niveau européen, l’EFSA (agence scientifique) souligne les risques des composés à base de cuivre pour les travailleurs, les oiseaux, les mammifères et la santé du sol. Voir ici (in English).
Malgré cela, dans la plus grande discrétion, la Commission Européenne vient de prolonger d’un an l’autorisation des composés à base de cuivre sous la pression des lobbies de l’Agriculture Biologique. Voir ici (in English). Tout ceci a été résumé par NewEurope sous le titre « Le curieux cas du sulfate de cuivre » (in English), qui souligne le deux-poids-deux-mesures pratiqué par la Commission Européenne. C’est particulièrement flagrant quand on compare avec la façon dont le dossier glyphosate a été traité… « Tout ceci ne sert pas la science, ne sert pas le citoyen européen, mais sert peut-être… d’autres intérêts »

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