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Comment parler de science… (Hervé This)

18 oct. 2011

Sous le titre « Pourquoi aller dans le mur ? Réflexions sur des stratégies rationalistes » sur Pseudo-sciences.org, Hervé This, gastronome moléculaire, livre une réflexion structurée, détaillée et utile sur la façon de communiquer les arguments de la science à un public profane.

Il constate qu’il y a « des comportements que nous jugeons irrationnels de nos concitoyens et des décisions prises collectivement », que « l’humanité ne cesse de combattre la nature afin de survivre : contre le froid, le chaud, les intempéries, les micro-organismes…», que « nos végétaux modernes résultent de millénaires de sélection végétale, que, par exemple, les carottes modernes, gonflées de sucre, sont parfaitement « artificielles », puisqu’elles n’ont plus rien à voir avec les étiques crayons fibreux que sont les carottes sauvages. » Bref, « c’est une faute intellectuelle que de penser que le naturel puisse être bon et l’artificiel mauvais »

Et pourtant, « L’expérience de la vulgarisation et de la lutte pour la rationalité montre bien que les efforts sont souvent inutiles, même dans le cas de la discussion interindividuelle (…) La croyance est un mur contre lequel notre fougue rationaliste se brise, assaut après assaut. L’homéopathie, l’astrologie, les « dangers de la chimie », le nucléaire… On n’en finit plus, car chaque journée apporte son lot de motifs d’ire. Quelle stratégie adopter ? »

Alors que faire ? Dans une émission de télévision par exemple, « l’appréciation que peut avoir le public dépend du ton avec lequel le journaliste, ambassadeur du public, s’adresse aux deux parties, dépend du montage que fait le réalisateur, pour la télévision, dépend des prises de vue (par dessus pour rendre humble, par dessous pour faire mégalomanes), dépend de la lumière, dépend du timbre de la voix (ajusté par le micro), dépend du temps donné à chaque partie, de la répartition de ce temps, haché ou non… Bref, la vérité n’a aucune raison de s’imposer dans les discussions publiques, et nous devons le savoir si nous voulons éviter d’être laminés rhétoriquement par des personnages malhonnêtes (dans les mauvais cas) ou ignorants (dans les bons cas). J’en tire aussi, personnellement, une conclusion : ne sous-estimons ni nos adversaires, ni ceux à qui nous nous adressons ! »

Pour surmonter cet obstacle, écrit-il encore « n’aurions-nous pas intérêt à opposer des expériences, des phénomènes bien concrets, qui focaliseront l’attention des auditeurs, à défaut de leur donner des explications que nous n’avons pas le temps de donner ? La proposition a quelques inconvénients, mais de nombreux avantages. Elle a l’inconvénient de nécessiter un équipement plus encombrant que le simple discours. En revanche, en plus de l’avantage rhétorique absolu que nous avons présenté, elle a l’avantage, dans les débats publics, que l’on ne peut pas l’interrompre ! On ne peut pas lui couper la parole. »

Evidemment c’est plus facile pour la cuisine que pour bien d’autres domaines. Mais s’inspirer de cette proposition peut présenter une certaine utilité : montrer, faire visiter plutôt que parler ou d’écrire…

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