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Compil « OGM dans les médias » : Carton rouge pour Séralini ?

23 sept. 2012

 

Gilles-Eric Séralini

GE Séralini

Une fois n’est pas coutume : Il est possible que les fabricants et marchands de peur voient l’hypermédiatisation, qu’ils ont voulue, se retourner contre eux.
De nombreux scientifiques jugent sévèrement l’étude de GE Séralini. De plus, de nombreux médias démontent le show politico-médiatique qui entoure la publication de cette étude. Tour d’horizon…

 

 

Ce sujet a été évoqué une première fois le 20 sept 2012 ici sur ForumPhyto.

Un déluge de critiques…

En jouant l’hypermédiatisation, et sans doute conscients de la faiblesse de leur étude, leurs auteurs et promoteurs  voulaient visiblement de toucher le public avant qu’elle ne puisse être démolie en règle par toute la communauté scientifique.

Ils ont remporté un premier succès (médiatique) indéniable. Mais, il semble maintenant que, pour la première fois, le mélange des genres entre militantisme et soi-disant science ne passe pas. Même des médias habituellement sensibles aux arguments environnementalistes rendent compte des réactions d’une communauté scientifique outrée par ce qu’elle juge être au minimum une faute, et, au pire, une fraude caractérisée. L’hypermédiatisation se retourne alors contre ceux qui l’ont voulu…

…Sur les aspects scientifiques

Sous le titre « OGM : « Le protocole d’étude de M. Séralini présente des lacunes rédhibitoires » », Le Monde interviewe Gérard Pascal, toxicologue à l’INRA, qui donne des détails factuels montrant les faiblesses de l’étude. Pour lui, « Au final, l’étude donne l’impression que ses auteurs ont trouvé seulement ce qu’ils souhaitaient trouver. Sans compter qu’ils n’en sont pas à leur coup d’essai : Séralini a déjà publié plusieurs études dont le protocole et les résultats ont été désavoués par la communauté scientifique ».

Sous le titre « OGM : l’étude Séralini fera-t-elle ’pschitt’ ? », Destination Santé publie également une interview de G Pascal. Donnant des éléments factuels montrant la faiblesse de l’étude, il juge le travail de Séralini « nul et non avenu ». Il estime « incompréhensible » que la revue Food and chemical toxicology ait pris le « grand risque » de publier cette étude.
Conclusion de l’article : « De son poste d’observateur « totalement indépendant des firmes de biotechnologies » tient-il à préciser, Gérard Pascal n’imagine même pas que ce travail débouche « sur quoi que ce soit… Le ballon risque de rapidement se dégonfler », conclut-il. »
Interviewé par Sciences et Avenir, il déclare « Je n’ai jamais vu ça. Il faut envoyer une commission d’enquête dans le labo où cela a été fait ! ».

Sylvestre Huet sur le blog sciences de Libération, commence ainsi son analyse: « Un désastre pour le débat public, sa qualité, sa capacité à générer de la décision politique et démocratique. C’est, pour l’instant, le résultat majeur de l’opération de communication organisée par l’équipe du biologiste Gilles-Eric Séralini. » Il poursuit : « L’équipe de Gilles-Eric Séralini a organisé, sciemment, les conditions d’une mauvaise information du public »

mediapart.fr (accès restreint) titre « OGM : une étude fait beaucoup de bruit pour presque rien » et souligne que « de nombreux scientifiques affirment que « l’étude n’a pas de valeur scientifique » ».

Campagnes et Environnement rend compte entre autres de la réaction du HCB (Haut Conseil des Biotechnologies) qui appelle à la prudence afin de « prévenir la surinterprétation médiatique de données scientifiques qui nécessitent une analyse approfondie »

 

…Sur les aspects médiatiques et le manque d’indépendance de GE Séralini

Sur son blog, sous le titre « OGM : attention on vous roule dans la farine »,  Béatrice de Reynal, nutritionniste, démonte surtout la manœuvre médiatique : « Cette opération d’incendie volontaire provoquée par le chef des pompiers (Gilles-Eric), mérite qu’on s’y attarde. C’est en effet une stratégie fréquente et payante car la panique et la peur sont d’excellents moteurs de vente. Ne perdons pas de vue que ce chercheur, comme tant d’autres, n’est pas « indépendant » puisque ses travaux ont été financés non pas par son écureuil personnel, mais par divers lobbies, comme CERES par exemple, qui a déjà beaucoup investi dans la promotion du NO OGM ».

Sous le titre « L’étude sur les OGM fortement contestée », le blog santé du Figaro souligne que « Contrairement à beaucoup de leurs homologues français, les médias américains n’ont pas omis de préciser que le Pr Séralini est ouvertement opposé aux OGM et que ses travaux ont été financés par le Criigen, une association militant contre les biotechnologies, et par deux géants de la grande distribution, Auchan et Carrefour, en pointe sur la vente de produits «bio» ou garantis sans OGM… »

 

TVAgri analyse la stratégie de communication et de marketing du CRIIGEN et donne des liens permettant de comprendre le financement de l’étude par la Grande Distribution et le lobby militant. Lire en particulier :  « Business anti-ogm – On comprend mieux pourquoi Carrefour a financé l’étude de Gilles Eric Seralini ! » et « Décryptage – Une déclaration de guerre de la grande distribution contre l’agriculture conventionnelle ? »

 

Sur Slate.fr, Michel Alberganti, journaliste scientifique, s’interroge « Le militantisme anti-OGM est-il compatible avec la science ? ». Réservé sur l’étude à proprement parler, il dénonce surtout la dérive médiatique et éthique, et le manque d’indépendance manifeste de GE Séralini. Dans un autre article, sous le titre « OGM: Gilles-Eric Séralini prend un gros risque, la France aussi », M Alberganti dresse une liste équilibrée des points forts et faibles de GE Séralini dans sa campagne médiatique. Il conclut : « Il semble donc que l’on ait mis la charrue avant les bœufs, avec tous les risques d’accidents que cela comporte. Si jamais l’étude était invalidée, la carrière de Gilles-Eric Séralini ne s’en remettrait pas et la France serait ridicule. Si elle est confirmée et que des dangers pour l’homme peuvent en être déduits, Gilles-Eric Séralini deviendra le héros de la lutte contre Monsanto et la diablerie des OGM. »

Sous le  titre « Etude Séralini : beaucoup de questions », Alerte Environnement met en avant un article de l’Agence Science Presse (Canada), « L’étude anti-OGM ou le syndrome de la recherche unique » qui fait une analyse assez complète de la question : « Le problème derrière une étude française qui prétend démontrer la nocivité des OGM, c’est qu’elle ne s’appuie peut-être pas sur le bon type de rat, qu’une partie de son échantillon est trop petite, que la quantité de maïs consommée aurait été sujette à caution, et qu’elle a fait le tour des médias avant que quiconque ait pu la lire. » L’article  conclut « Au final, l’étude plaît d’ores et déjà à ceux qui veulent y croire —c’est le syndrome de la recherche unique— mais ne répond pas aux critères permettant d’en tirer des conclusions solides »

Sous le titre OGM : le coup monté du NouvelObs, sur son blog lié à ObjectifTerre, Olivier Daniélo, journaliste spécialiste du développement durable, liste le déferlement de critiques au niveau international et conclut : « Hypothèse: il est possible que la revue Food and Chemical Toxicology ait accepté de publier l’étude de Séralini afin qu’elle ait un grand écho, que les scientifiques du monde entier montrent qu’elle n’a pas de valeur scientifique, et qu’ainsi Séralini soit définitivement grillé, à l’échelle planétaire. Une façon anglo-saxonne de rigoler des français et de les décrédibiliser… »

 

 

Y compris à l’international

 

CNBC, chaîne de télévision internationale d’information économique, titre “Study on Monsanto GM corn concerns draws skepticism” (in English) et cite Mark Tester, universitaire australien : « Si les effets sont si importants que rapportés (par l’étude), et si le travail est significatif quant à la santé humaine, pourquoi les Américains du Nord ne tombent-ils pas comme des mouches ? Les OGM sont là-bas dans la chaîne alimentaire depuis plus de 10 ans et la longévité continue de s’accroître inexorablement »

De nombreuses réactions de scientifiques sont disponibles sur Science Media Centre (in English).

Sous le titre « Le gouvernement français lance une étude sur les OGM » (in English), The Telegraph donne la parole à Antony Trewavas, professeur de biologie cellulaire à l’Université d’Edinbourg. Pour lui, les résultats n’ont aucune valeur et, sans que le doute ne soit permis, reflètent le parti pris prédéterminé des expérimentateurs et des groupes qui ont financé l’étude. »

 

Informations complémentaires utiles :

Débat sur Radio Notre Dame entre Gil Rivière-Wekstein (Agriculture et Environnement), Marc Fellous (Institut Pasteur et INSERM), Joel Spiroux (co-signataire de l’étude), Corinne Lepage (Criigen et CAP21).

Pour ceux qui souhaitent revenir à la source, lire l’étude de GE Séralini et al (in English) : “Long term toxicity of a Roundup herbicide and a Roundup-tolerant genetically modified maize”

Lire la réponse de Monsanto (in English) à l’étude de GE Séralini.

 

JP Jaud, cinéaste, qui lance son film militant « Tous cobayes ? », avait annoncé : « Il y a une bombe dans ce film. Je ne peux pas encore en parler, car cette information est soumise à une clause de confidentialité ».
Il semble bien que, cette fois, GE Séralini et consorts vont voir se retourner contre eux la « bombe » médiatique qu’ils ont déclenchée.
Des questions demeurent : les médias et le public vont-ils pour autant tourner la page des peurs alimentaires injustifiées ? A l’avenir, vont-ils être un peu plus prudents devant les messages des faiseurs de peur ?