Divers, Veille sociétale

Le rapport de l’INSERM sur pesticides et santé

25 juin 2013

L’INSERM a publié un rapport intitulé « Pesticides – Effets sur la santé ». Immédiatement, Internet et la plupart des médias se sont enflammés.
Le point sur ce rapport et ses implications.

 

Pas de nouveautés

« L’expertise collective » de l’INSERM est en fait ce qu’on appelle communément une méta-étude : Elle ne comprend pas de nouvelles données. Elle reprend « les  données  issues  de  la  littérature  scientifique disponible en date du premier semestre 2012 », les regroupe et en tire des recommandations.

Lire le dossier de presse et la synthèse de l’expertise collective de l’INSERM (pdf 1MO)

Scientifiquement, le rapport ne contient pas réellement de révélations : Il souligne principalement les risques d’une exposition professionnelle aux pesticides, reconnus depuis longtemps par tous (firmes phytos, responsables professionnels, pouvoirs publics, scientifiques).
Une partie du rapport évoque les populations sensibles (femmes enceintes en particulier) et reprend les conclusions de l’étude Pélagie, conclusions très provisoires et assorties de beaucoup de conditionnels.

Les recommandations de l’INSERM sur le fond sont globalement raisonnables : poursuite des études, collecte de données épidémiologiques, etc.

 

Des oublis

Cependant, la présentation générale du rapport n’évoque que les dangers, sans toujours les hiérarchiser, du moins dans la rédaction du rapport. Entre autres, la présentation minimise, voire oublie :
– Les progrès en matière de chimie : retrait de nombreuses molécules depuis 20 ans, et en particulier depuis 10 ans ; Substances de plus en plus biodégradables, spécifiques, etc.
– Les progrès matériels en matière d’application (buses anti-dérive,  …), qui réduisent considérablement l’exposition environnementale (air, eau).
– Les progrès en matière de protection des utilisateurs (formations, sensibilisation, aménagement de l’aire de remplissage, gants, etc.)
– Les progrès en matière de prise de décision : outils d’aide à la décision, méthodes agronomiques et alternatives/complémentaires.

Le rapport parle du danger en général. Qui existe et qui ne doit pas être minimisé.
Mais on y « oublie » de fait que la principale source de progrès n’est pas d’aller vers un retrait des substances concernées, mais dans la formation, les progrès matériels, les progrès chimiques, etc. qui réduisent drastiquement le danger intrinsèque des substances et l’exposition, et donc le risque.
Tout ceci est en cours depuis au moins 20 ans, et s’accélère sur le plan règlementaire, mais surtout en termes de sensibilisation.

En résumé, l’étude de l’INSERM est raisonnable et pondérée sur le fond.
Sur la forme, elle va dans le sens du vent anti-chimie, sans le formuler explicitement. Et ce qui laisse la possibilité aux médias et organisations environnementalistes de jouer leur rôle habituel de marchands de peur.

Et, surtout et avant tout, il ne faudrait pas que, dans ce débat sociétal, on oublie les bénéfices des pesticides, y compris à la maison contre les puces et les poux !
Ce n’était pas, et c’est normal, le rôle de l’INSERM. Mais, avant d’en tirer des conclusions règlementaires, il importe que les pouvoirs publics et l’ensemble de la société en tiennent compte.

 

Des médias pas tous marchands de peur

Les articles mentionnés ci-après ne représentent qu’une toute petite partie de l’avalanche d’articles, en général alarmistes, qui circulent.

Les médias et organisations environnementalistes en profitent pour alarmer et demander un durcissement réglementaire radical.
Par exemple, le Journal de l’Environnement, sous le titre « Pesticides: «N’avons nous pas atteint un point de non-retour?» », interviewe Gérard Bapt, député, pour qui « il faut secouer le cocotier » et « faire monter la pression publique », car, dit-il en s’adressant au journaliste : « L’espérance de vie continue à augmenter. Mais elle augmente pour les gens de ma génération. Vous, qui êtes dans votre trentaine, vous êtes déjà en danger! »
Le Monde
titre « Pesticides : les preuves du danger s’accumulent ».

Des médias classiques reprennent en partie cet aspect alarmiste, mais soulignent surtout les recommandations d’étude supplémentaires de la part de l’INSERM.
Par exemple, Libération titre « pesticides et santé : le rapport de l’INSERM », ou Le Figaro : « Pesticides: les risques pour les agriculteurs mieux évalués »
L’AFP, sous le titre « La pression grandit sur les pesticides, impliqués dans des maladies graves », publie un article plutôt équilibré, laissant la parole à JC Bocquet, directeur de l’UIPP (firmes phytos), selon qui le rapport de l’INSERM ne contient pas « de révélations nouvelles de nature dramatique ». Sous le titre « L’UIPP accueille avec sérieux ce rapport et confirme que la grande majorité des molécules mentionnées ne sont plus sur le marché« ,  Euractiv reprend intégralement le communiqué de presse de l’UIPP (firmes phytos)*

 

Quelles conséquences ?

Les ministres de la santé, de l’environnement et de l’agriculture « ont pris connaissance de cette étude dont les recommandations devront faire l’objet d’une analyse précise. […] ils indiquent que ces nouveaux éléments seront transmis sans délais aux autorités européennes afin qu’ils puissent être pris en compte dans la réévaluation des substances actives autorisées au niveau communautaire »
De plus, « le Ministre de l’Agriculture a par ailleurs saisi l’ANSES afin qu’elle évalue l’impact de ces nouvelles données sur les autorisations nationales existantes. »
(Voir le communiqué de presse sur le site du ministère de l’agriculture)

 

Reste à espérer que, cette fois, et contrairement à son rôle dans le dossier néonicotinioïdes, le gouvernement français ne se laissera pas emporter par des considérations politiciennes, et soutiendra une décision s’appuyant sur la science et permettant un progrès réel, sur le terrain, de l’emploi des pesticides.