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Nouvel épisode du feuilleton « fais-moi-peur » de Générations Futures

10 juil. 2013

Intox Après Exppert1 (voir ici sur ForumPhyto), Générations Futures (GF), organisation anti-pesticides, fait dans le feuilleton et sort Exppert2, une étude dénonçant la présence de « pesticides interdits et de perturbateurs Endocriniens (PE) dans des fraises ».
Les médias et les réseaux sociaux reprennent le titre en boucle. Sans aucun recul pour la plupart.
GF a, une nouvelle fois, réussi une opération médiatique sur la base d’une étude vide.

 

La thèse de GF

Le feuilleton « Exppert » (sic !) de GF est expressément destiné à montrer « l’omniprésence de nombreux pesticides PE dans notre environnement engendrant une exposition importante de la population ».

L’épisode Exppert 2 a consisté à analyser 49 échantillons de fraises. 92% des échantillons contiennent au moins un résidu de pesticide. Il y a même présence de résidus interdits dans « plus de 18% des échantillons testés », par exemple de l’endosulfan, un Polluant Organique Persistant, (POP) ; et c’est « proprement inacceptable ».

GF concède cependant : « A noter que le taux de présence de résidus de la quasi totalité des molécules trouvées était conforme à la norme. Nous n’avons repéré qu’un seul dépassement de Limite Maximale en Résidu (LMR) pour l’acrinathrine soit un taux de non conformité de 2,04%. »

La plupart des médias ont repris la thèse de GF sans aucun recul. Quelques exemples : « Des pesticides interdits retrouvés dans des fraises » (TF1/LCI) et « VIDEO. La fraise, cocktail de saveurs et de pesticides » (France TV Info)

D’autres médias ont tout de même émis des doutes ou laissé un peu la parole à d’autres. AgriAvis semble être le seul média à souligner le très faible taux de non-conformité.

Mais surtout, Actu-Environnement donne la parole à Jean-Charles Bocquet, directeur de l’UIPP (firmes phytos) pour qui « Il n’y a pas lieu d’affoler ni les politiques, ni les consommateurs ».
France Info donne la parole à Xavier Mas, président de l’AOP Fraises, qui déclare : « [La présence d’Endosulfan], cela me parait quand même un peu gros »

 

GF expert en manipulation

Quand on regarde dans le détail, non seulement il n’y a rien de neuf dans l’étude de GF, mais la présentation des résultats est systématiquement biaisée.
Le titre du rapport veut faire penser que GF est expert. GF est effectivement expert : Expert en manipulation.

Quelques exemples :

La présence d’endosulfan ?
La LMR européenne sur fraise est de 0.05 mg/kg, ce qui correspond à la limite officielle de quantification. En dessous de ce niveau :
– les analyses sont très peu fiables
– l’endosulfan étant un POP (polluant persistant), il est tout à fait possible que ce soit le résultat d’une utilisation ancienne.
Bref, le résultat trouvé par GF (0.02mg/kg) n’a aucune signification ni agronomique ni en termes de santé humaine

Des pesticides interdits sur la culture de la fraise ?
Les niveaux retrouvés sont tous, soit à l’état de trace non quantifiable, soit en-dessous des niveaux officiels de quantification.
Là aussi, à ces niveaux, les résultats sont très peu fiables. De plus, des contaminations croisées, au champ, à l’étalage, ou même au laboratoire, ne sont pas à exclure. Elles sont même le plus probable, sauf pour le seul dépassement de LMR constaté, qui demande éventuellement une enquête approfondie pour en déterminer les causes.

GF additionne les pourcentages !
Page 16 de son rapport complet, GF donne un exemple de résultat d’analyse. Faisant la « somme des % de LMR », il trouve que l’échantillon est « 263.66% ».
Il n’y a bien sûr aucune justification possible à une telle élucubration.

On pourrait rajouter : une définition sans fondement de ce qu’est un perturbateur endocrinien, l’accumulation intentionnelle de noms barbares, de chiffres, etc.

Les laboratoires sont de plus en plus performants : aujourd’hui, ils sont capables de retrouver des substances, indétectables il y a quelque années, et surtout n’ayant souvent plus aucune signification, ni en termes de bonnes pratiques, ni en termes de santé. Utiliser de telles performances demande de la prudence.
Mais GF n’en a cure et utilise sciemment les performances croissantes des laboratoires pour générer la peur.

En bref, le rapport de Générations Futures peut se résumer à : « semons la peur, il en restera bien toujours quelque chose ! »

On se demande pourquoi les pouvoirs publics français et européens édictent, sur une base scientifique, des règles particulièrement protectrices, puisqu’une organisation, marchande de peur par profession, peut, sur la base d’une inflation verbale sans précédent, faire la une des médias et déstabiliser le public.
Comment GF pourra-t-il aller plus loin encore dans ce sens ?
Nous attendons avec impatience le prochain épisode du feuilleton « fais-moi-peur » à la rentrée, après la trêve estivale. Comme il se doit, en bons communicants, ils  ne devraient pas manquer cette échéance !

 

Pour aller plus loin :
– « Semaine sans pesticides, etc. : Sommes-nous cernés par les pesticides ou par les marchands de peur ? » sur ForumPhyto
Communiqué de presse et rapport complet Exppert 2 de GF