Divers, Veille sociétale

Biodiversité et agriculture : Un témoignage d’agronome (la Gazette de l’AFIA)

23 mai 2014

La contribution de Robert Blondel dans la Gazette de l’AFIA part de son expérience d’agronome de 40 ans.

« Comme vous je suis témoin de la disparition d’espèce autrefois fréquentes : toute une gamme de papillons diurnes, et bien des batraciens comme les tritons et salamandres, etc. Avant je jeter l’anathème sur les produits chimiques accusés d’empoisonner notre environnement, je tente de comprendre le « pourquoi » de ces disparitions.

D’autant que je les observe même dans des régions de moyenne montagne de l’Auvergne, qui n’ont guère souffert de l’intensification de l’agriculture et de ces diables de pesticides puisque les agriculteurs en sont partis, laissant place à une occupation semi-extensive du pâturage et à l’envahissement par les ronces, fougères, genêts précurseurs de la forêt. Là les seuls pesticides qu’on utilise sont ceux des colliers aux cous des chiens.

Mais avant même l’apparition de la « chimie » les pratiques ont changé. Passer de la faucille à la faux, de la faux à la barre de coupe, et de la fourche au roundballer ne va pas sans simplification excessive de la faune (rongeurs et jeunes oiseaux finissant dans la machine) et de la flore. Et donc : simplifier ou supprimer des bords de champs à la flore complexe, c’est supprimer la pitance des chenilles qui donnent les papillons. De ce côté la gestion de la fauche (devenue aussi redoutable qu’Attila) et le remplacement des anciennes bordures approximatives de prés et champs par des barbelés ou des clôture électriques a certainement un effet. Effet négatif pour la biodiversité puisque l’environnement a changé (ou, en logique darwinienne, naissance d’une autre biodiversité…).

Pour tout ce qui concerne les batraciens le problème est, je crois, observé au niveau planétaire (même dans la forêt amazonienne) et semblerait lié à des maladies nouvelles de la peau.

Et le progrès, dans tout ça ? Je ne me prononcerai pas, il serait prudent de demander à ceux qui ont voulu soit changer les conditions épuisantes de leur travail rural, soit le fuir, de se prononcer.

J’ajoute que, agronome moi-même, sur quarante ans de métier (en Bretagne) j’en ai passé les dix premières à optimiser la production et les trente dernières à contribuer à l’évolution des pratiques pour concilier un juste revenu des agriculteurs et des pratiques respectueuses de l’environnement. Avec beaucoup d’autres collègues, et dans la mesure de mes moyens.

Donc je soutiens sans trembler qu’en 2014 comme en 1964 et comme en 1600 (clin d’oeil à la mémoire d’Olivier de Serres) les hommes de bonne volonté font ce qu’ils peuvent, que ce n’est pas parfait et que je continue à croire en celles et ceux qui se battent pour que demain soit meilleur qu’aujourd’hui. »

 

Addendum : Sous le titre « Sans Trembler », le blog Alambic City a publié un article reprenant l’historique de la Gazette de l’AFIA qui a mené à à ce témoignage.