Bonnes pratiques, Protection intégrée

Près de l’école en Gironde, c’était probablement un pesticide bio. Mais ce n’est pas le problème…

25 juin 2014

Cette affaire fait grand bruit : mi-mai, des enfants d’une école en Gironde ont été pris de malaises suite à un épandage de fongicides alors que le vent était probablement supérieur à 19 km/h. Ségolène Royal s’est précipitée sur cet incident pour réclamer l’interdiction des « pesticides » à moins de 200m des écoles. Quels sont les faits ? Quels sont les enjeux ?

Les faits

La situation est globalement bien décrite dans Agriculture&Environnement (A&E) sous le titre « Ségolène Royal tire à vue et se trompe de cible » : « Selon les premières indications de l’enquête, l’épandage responsable de l’incident serait bien un traitement fongique contre l’oïdium et le mildiou, à base de bouillie bordelaise et de soufre, effectué aux alentours de 13h30 sur la parcelle bio. En effet, l’orientation du vent, tout comme les symptômes décrits par les enfants (picotements oculaires et maux de gorge), confirment une intoxication à partir de soufre en provenance de cette parcelle. « Ma fille sentait le sulfate à plein nez, je connais l’odeur », confirme un parent qui travaille à la vigne depuis une vingtaine d’années. « Elle a été malade pendant deux jours, pourtant elle a l’habitude d’être dans la vigne », poursuit-il. »

L'école de Villeneuve entourée de vignes (Google Earth)

L’école de Villeneuve entourée de vignes (Google Earth)

Une nuance doit cependant être apportée : Etant donné les symptômes décrits et les horaires des traitements (toutefois plus incertains que ceux indiqués par A&E), que le traitement à base de soufre soit à l’origine des malaises est plus que probable, mais ce n’est pas certain.
Christiane Lambert, vice-présidente de la FNSEA, évoque d’ailleurs clairement cet incident dans un débat plus général sur l’agriculture (voir ici sur France 3 à partir de la 30° minute).

Où est le problème ?

Il faut être clair : il ne s’agit en aucun cas ici d’incriminer les produits phytosanitaires utilisés en agriculture biologique : l’incident aurait très bien pu se produire avec du conventionnel (on ne peut d’ailleurs pas complètement l’exclure dans ce cas).

Le problème est ailleurs. Comme le fait remarquer A&E : « Pourquoi des agriculteurs professionnels soucieux de la qualité de leur production et de la santé des consommateurs prennent-ils le risque d’épandre des fongicides bio non seulement en pleine journée, mais également par temps venteux, très vraisemblablement bien au-delà des 19 km/h réglementaires ? La réponse est simple : ils n’ont pas d’autre alternative ! […] Pour compliquer le tout, la région du Bordelais connaît depuis plusieurs années un climat capricieux, qui réduit considérablement les périodes d’épandage possibles. En effet, lorsqu’il ne pleut pas, il est très rare que le vent tombe sous la barrière des 19 km/h. La réalité –celle que les pouvoirs publics refusent d’admettre–, c’est qu’il est impossible d’avoir un vignoble, même conduit en agriculture biologique, sans alléger la règlementation sur les épandages. C’est-à-dire exactement le contraire de ce que font nos responsables politiques depuis plusieurs années ! »
Un article de Science et Vie signalé par Alerte Environnement décrit concrètement la nécessité de protéger les vignes contre le mildiou et l’oïdium avec des fongicides (bios ou conventionnels).

Dans la suite de son article, A&E décrit le mécanisme d’hystérie collective anti-pesticide, honteusement exploité par Ségolène Royal.

Que faire ?

A moins de détruire complètement la viticulture, conventionnelle comme biologique, la solution n’est ni dans l’interdiction d’effectuer les traitements lorsque le vent dépasse les 19 km/h (ce qui est la législation actuelle, mais inapplicable dans ce cas), ni dans l’interdiction des traitements à moins de 200 m des écoles.
La solution est dans l’adoption rapide et généralisée de méthodes de pulvérisation réduisant considérablement la dérive : traitement par pulvérisation sur chaque face ou, mieux, « confiné » (avec des panneaux récupérant le produit n’ayant pas atteint les feuilles). Voir des exemples de solutions existantes ici (vidéo), ici et ici.

S’ils voulaient arrêter de faire de la démagogie criminelle envers l’agriculture, les responsables politiques devraient dire clairement que l’on soit en culture conventionnelle ou biologique, quand les cultures sont attaquées il faut les protéger (et pas, en tous cas pas seulement, avec de l’eau chaude ou du purin d’ortie).
Il en va de la santé des végétaux comme de la santé humaine. La priorité doit être donnée aux mesures préventives (hygiène de vie, agronomie), puis aux moyens les plus softs (vaccins, biocontrôle). Mais il faut pouvoir utiliser des produits efficaces (médicaments, produits phytos) lorsque c’est nécessaire. En choisissant les moyens ayant le moins d’impact sur la santé ou l’environnement.

Cet article prolonge l’article pour les membres (identifiant et mot de passe nécessaire) paru le 16 mai.