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Glyphosate cancérigène ? (suite)

31 mars 2015

1503MoleculeGlyphosate Le CIRC (IARC in English), agence de recherche de l’OMS[1] a classé le glyphosate comme cancérigène probable. Voir ici sur ForumPhyto. Quelques réactions montrent que tout n’est pas si simple.

Des ONG anti-pesticides par principe en font leurs choux gras sur les réseaux sociaux, et demandent l’interdiction « immédiate » du glyphosate. Par exemple, une vidéo piégeant un maladroit défenseur du glyphosate (maladroit car disant que le glyphosate peut être bu sans danger, mais qui refuse d’en boire) fait le buzz. Contrairement à ce qui est régulièrement avancé, Patrick Moore, ce maladroit défenseur n’est pas un lobbyiste de Monsanto, mais un environnementaliste essentiellement partisan du riz doré, ce qui n’a rien à voir avec le glyphosate.

Les médias français reprennent généralement l’information sans distance. Par exemple, Le Nouvel Observateur ou Le Monde.

Le gouvernement français, tout en refusant d’obtempérer, se dit « vigilant », mais annonce attendre la réévaluation au niveau européen.

Le BfR (agence allemande de sécurité sanitaire) a été chargé au niveau européen de cette évaluation du glyphosate. Il a donc une bonne connaissance du dossier. Il a publié un communiqué de presse assez critique concernant la position du CIRC. Pour le BfR, le classement du glyphosate comme probablement cancérigène est une « surprise ». Il constate un désaccord de fond entre le CIRC et l’ensemble des instances internationales ayant évalué le glyphosate, y compris le JMPR, instance officielle de l’OMS. Instances qui ont travaillé sur les mêmes études de base que le CIRC. Tout en étant donc critique, le BfR rendra un avis définitif par un « examen approfondi » de ce classement par le CIRC « quand la monographie sera disponible ».

Comme le BfR, la presse anglo-saxonne et la presse scientifique sont en général dans une position d’analyse critique et d’attente de la monographie complète du CIRC.
Nature, la célèbre revue scientifique, examine les preuves avancées par le CIRC, et donne les différents points de vue de façon équilibrée.

Dans le même esprit, dans « devrions nous avoir peur ? », npr, radio publique nationale US, écrit que « le CIRC dit  le glyphosate pourrait probablement le cancer chez les humains, mais qu’il ne le fait probablement pas » et souligne que la question ne se pose de toutes façons que pour les applicateurs professionnels et que les niveaux de résidus dans l’alimentation sont extrêmement bas.

La presse professionnelle est plus critique encore. Par exemple, The Western Producer (in English), journal Agricole canadien, donne la parole à un toxicologue de l’université de Guelph qui qualifie la position du CIRC d’« erreur scientifique importante ».

Certains médias scientifiques ou rationalistes ont une position encore plus tranchée. Par exemple, le skeptical raptor titre « le glyphosate  cause le cancer, comme les pommes » (in English, traduction rapide en français sur la théière cosmique), et ridiculise la crainte irrationnelle des substances cancérigènes propagée par les médias et réseaux sociaux alarmistes.

Nous conclurons cette quasi-revue de presse par un point de vue détaillé et équilibré d’un agriculteur américain :
Andrew Kniss, agriculteur et bloggeur US, sous le titre « Glyphosate et cancer : que disent les données ? » (In English), souligne que le CIRC est une agence très respectée. Mais il est surpris que le CIRC annonce son classement un an avant de publier la monographie qui en détaille les raisons. En attendant cette publication, s’appuyant sur des articles, entre autres scientifiques, il analyse les données disponibles, en détail et de façon graphique et pédagogique. Son article vaut lecture complète du fait également du grand nombre de liens utiles. Malheureusement pour les francophones stricts, tout est in English…
Il conclut « Il se peut que je doive changer d’avis quand le CIRC publiera sa monographie complète, mais, sur la base des données que j’ai pu trouver, je ne vois aucune preuve qui puisse m’alarmer. Et je dis cela alors que je suis beaucoup plus exposé que la très grande majorité de la population. Je pense qu’il n’y a, dans ces données, rien qui puisse ternir la réputation de sécurité du glyphosate. Mais, pour autant, nous devons continuer à être prudent et ne pas se voiler la face. Et, pour l’amour de Dieu, arrêtez de dire, comme certains, que le glyphosate est tellement sûr qu’on peut en boire. Boire du glyphosate ne prouve rien de toute façon. Je peux fumer une cigarette et boire une bière en public, mais ça n’empêche pas les cigarettes et l’alcool d’être responsable de cancers. Au bout du compte, le glyphosate est toujours un pesticide. Des vêtements de protection et des procédures adéquates doivent être appliqués quand on utilise des pesticides. Mais, s’il est utilisé selon les prescriptions, je pense qu’il n’y a aucune raison d’avoir peur, que l’on soit un particulier qui désherbe ses allées, ou un professionnel traitant 400 hectares de maïs Roundup ready  »

Addendum au 31 mars 2015 : Dans cet article (in English), David Zaruk, The Risk Monger, bloggeur que nous avons déjà cité sur ForumPhyto (voir ici), est plus sévère encore sur l’étude du CIRC. Et surtout il met en évidence la présence de Christopher J Portier, un militant environnementaliste farouchement anti-Monsanto, dans le groupe d’experts ayant formulé l’avis du CIRC. Ce conflit d’intérêt n’était pas déclaré.
D Zaruk conclut  : « Si cette agence (le CIRC) n’apporte aucune plus-value [par rapport aux agences officielles qui font leur travail sérieusement], excepté de soutenir des militants minoritaires et de la science poubelle (junk science), je ne peux que conclure : taisez-vous! Ou alors peut-être devons interdire la lumière du soleil puisqu’elle est cancérigène ? Pour ceux qui prennent les jugements du CIRC au sérieux, ne comptez pas échapper au soleil en travaillant de nuit. Le CIRC a listé le travail de nuit comme probablement cancérigène (catégorie 2A, comme le glyphosate) »


[1] Organisation Mondiale de la Santé (WHO in English)