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Ecophyto 2 : un indicateur de volume « pondéré par un critère de dangerosité » est-il une avancée ?

17 nov. 2015

1411Ecophyto Dans « Ecophyto2 et les CEPP ont-ils un avenir ? », nous évoquions le « nouvel indicateur (de volume utilisé), non encore précisé, qui serait pondéré par un critère de dangerosité », comme d’une « avancée majeure », s’il voit réellement le jour, et s’il n’est pas seulement un nouvel habillage des anciens NODU et IFT[1].

Le texte officiel est rédigé ainsi :
« Ces obligations sont proportionnelles aux quantités de chaque substance active contenues dans ces produits phytopharmaceutiques, pondérées, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat, par des coefficients liés soit aux caractéristiques d’emploi de ces produits, soit aux dangers des substances actives qu’ils contiennent. » (Extrait de l’ordonnance n° 2015-1244 du 7 octobre 2015)

Réaction d’une lectrice

Une lectrice de ForumPhyto nous a exprimé son scepticisme en ces termes :
« Je viens de lire l’article sur le plan Ecophyto.
Il est très bien mais je trouve étonnant que vous mettiez en point positif un nouvel indicateur pondéré par les caractéristiques intrinsèques des molécules. Cela nous paraît extrêmement dangereux :
C’est une porte ouverte à une liste de molécules potentiellement et injustement stigmatisables par les entreprises de l’agroalimentaire et la grande distribution.
C’est une façon de remettre en cause le dispositif d’évaluation européenne qui tient compte de l’exposition. Des organisations environnementalistes pourraient se faire le relai d’une telle remise en cause qui n’a aucune justification.
Classer les substances selon leur danger intrinsèque ne dit absolument rien des impacts : on ne parle que de danger.
Pour nous, c’est une très mauvaise idée de pondérer selon le profil de danger des molécules. » Fin de citation.

Notre commentaire

Dans la filière, l’idée que la pondération par la dangerosité pourrait être une bonne chose semblait évident tellement le fait de ne pas en tenir compte et de raisonner uniquement en termes de volumes est absurde…

Mais les points soulevés par notre lectrice doivent effectivement être pris en compte : stigmatisation inappropriée de substances et remise en cause de l’évaluation européenne des substances. De plus :
– Les modalités concrètes de la pondération suggérée ne sont pas vraiment définies. Nous l’expliquions d’une certaine façon dans notre précédent article et cela a été repris par Référence Environnement (abonnés) :  » Si ce nouvel indicateur voit réellement le jour, et s’il n’est pas seulement un nouvel habillage des anciens Nodu et IFT, il peut représenter une avancée majeure : prendre en compte la réduction des impacts et non pas la réduction en volume, qui ne signifie rien »
– Une telle pondération selon le danger intrinsèque des substances, entretient fondamentalement la logique du « moins en volume » en soi, indépendamment du mode d’application et des impacts réels. S’il devait y avoir pondération, il faudrait que ce soit une pondération des usages selon leurs impacts et non pas de pondération des substances…
L’évaluation des usages selon leurs impacts devrait tenir compte, non seulement des risques, mais aussi des bénéfices

Conclusion

Quoiqu’en dise les organisations environnementalistes (voir par exemple ici) qui le considèrent comme une modification majeure, la prise en compte du danger intrinsèque des substances dans le nouvel indicateur est une illusion. Elle ne change rien à la nature des indicateurs : Ecophyto2 reste dans la logique de réduction des pesticides « en volume ». Une telle logique est vouée à l’échec quelle que soit l’indicateur choisi, IFT, NODU, voire QSA[1].
Au contraire, la réduction des impacts négatifs et l’analyse en termes de bénéfices/risques devraient être les objectifs centraux d’une politique de protection des plantes respectueuse de l’environnement.

[1] Respectivement : Indice de Fréquence de Traitement, Nombre de Doses Utilisées, Quantités de Substances Actives