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Sauver le Glyphosate : Mission impossible ?

18 avril 2016

Le glyphosate est en phase de renouvellement de son inscription au niveau européen. Le moins qu’on puisse dire est qu’il fait face à une offensive politique en règle de la part des courants environnementalistes. Avec un certain succès jusque-là, puisque le Parlement Européen vient d’émettre le souhait de restrictions : réinscription pour 7 ans au lieu de 15 et uniquement pour des usages professionnels.

Voir le communiqué de presse du Parlement Européen

Même si les mouvements environnementalistes expriment pour la plupart une déception de façade, ils comptent bien s’appuyer sur ces restrictions pour aboutir à terme à une interdiction. La réaction de Générations Futures est significative de ce positionnement : « Générations Futures demande au Gouvernement français de continuer à afficher son volontarisme sur ce dossier en s’engageant clairement à ne pas voter pour la ré-homologation du glyphosate en Europe en mai prochain, fut-ce pour une période de 7 ans avec restrictions. Nous jugerons sa capacité à résister aux lobbies de l’agrochimie à ses actes »
Les médias rendent compte de l’information généralement sans analyse de fond.
Toutefois la France Agricole, en rendant compte des positions du GTF (firmes phytos) et de Copa-Cogeca (syndicat européen des agriculteurs et des coopératives),  estime que « L’autorisation pour 7 ans fait débat »

Sous le titre « Glyphosate : revirement au Parlement européen », Wackes Seppi rend compte dans le détail de l’historique des positions et des contradictions politiques au sein du Parlement Européen. Ainsi le texte initial de la Commission Environnement du Parlement, qui prônait un non-renouvellement de l’autorisation du glyphosate, « a été soutenu par un attelage assez invraisemblable de l’extrême gauche, des verts et d’eurosceptiques (majoritairement de l’UKIP britannique et du Mouvement 5 étoiles italien) ». On notera aussi que le groupe S&D a voté très majoritairement pour la position pro-renouvellement pour 7 ans, alors que les français du même groupe ont très majoritairement voté contre.

Relevant que les positions politiques de chacun ont à voir avec un « catalogue de revendications diverses et variées auxquelles il a été satisfait pour réunir une majorité » qu’avec « une opinion construite rationnellement », Seppi conclut : « Plus intéressante est la question du positionnement des États membres, et particulièrement de la France. Vers quoi ira sa priorité ? L’idéologie déjà mise en œuvre ou la prise en compte de la parole démocratiquement exprimée à Strasbourg ? »

David Zaruk, sur son blog Risk Monger, sous le titre « Pourquoi Greenpeace, PAN, et le parlementaire européen Pavel Poc, sont des suppôts de Monsanto » (in English), affirme de façon provocatrice et plaisante, mais très sérieuse, que les opposants à l’oncle Glypho (surnom affectueux qu’il donne au glyphosate) font en fait le jeu des firmes phytosanitaires. Le glyphosate est sûr, employé depuis longtemps. N’étant plus la propriété de Monsanto, il est l’objet d’une forte concurrence entre firmes, ce qui réduit leur profit. Il est certain que les agriculteurs, les consommateurs, les citoyens et l’environnement perdraient beaucoup avec l’interdiction du glyphosate. Mais pas forcément les firmes qui ont de nouvelles substances à proposer à l’homologation et à vendre plus cher pour plus de profits.
Pour ceux qui comprennent l’anglais, l’article de David Zaruk, dressant un tableau désabusé et plein de poésie de la situation difficile de l’oncle Glypho, vaut le détour.
(Ajout au 22 avril 2016 : Vous pouvez maintenant lire la traduction en français de l’intégralité de l’article de David Zaruk.)
Sa conclusion : « Perdu dans la nuit, Oncle Glypho erre dans les rues sombres de Strasbourg… seul, mal-aimé, et sans abri. Je lui offrirais bien un peu de bière ou de vin, mais il y en a qui disent que c’est bourré de substances toxiques. »

Nous ne voudrions pas terminer par une vue aussi pessimiste. Nous dirons donc que le soldat Glypho mérite d’être sauvé et qu’il est encore temps. Mais il demande que la profession et les scientifiques soient plus que jamais mobilisés.

Pour aller plus loin :
« Glyphosate or not glyphosate »
« « L’utilité du glyphosate en dix raisons » (Seppi/Zaruk) »

Limiter le travail pénible (et celui des enfants) est un des bénéfices de l'usage des pesticides, non comptabilisé dans l'étude de Guillemaud et Bourguet.

Limiter le travail pénible (et celui des enfants) est un des bénéfices de l’usage des pesticides, non comptabilisé dans l’étude de Guillemaud et Bourguet.