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Exposition des travailleurs aux pesticides : un rapport instructif, mais pas « explosif »

01 sept. 2016

L’ANSES a rendu un « rapport sur les expositions professionnelles aux pesticides ». Les environnementalistes tentent de l’instrumentaliser.

Le rapport de l’ANSES

Essentiellement, les conclusions du rapport de l’ANSES « confirment le manque de données relatives aux expositions aux pesticides des personnes travaillant dans l’agriculture. De plus, la centralisation, l’accessibilité et l’exploitation faite de l’ensemble des données apparaissent à ce jour insuffisantes ».
Les recommandations de l’Agence sont donc :
– « Poursuivre les travaux au niveau européen » pour l’amélioration des méthodes d’évaluation des risques lors de l’homologation
– « Poursuivre des travaux relatif à la connaissance de l’efficacité des équipements de protection »
– « Renforcer, dans un cadre indépendant, les actions de conseil et de formation des utilisateurs de pesticides, »
– « améliorer les connaissances sur les expositions aux pesticides des personnes travaillant dans l’agriculture. »

L’ANSES ne s’est pas penchée, dans ce rapport, sur la santé des travailleurs, mais bien sur la mesure de l’exposition des travailleurs.
La lecture de l’intégralité du rapport intéressera tous les acteurs concernés par la sécurité au travail.

Tentatives d’instrumentalisation

Pour Générations Futures, ONG anti-pesticides par principe, le rapport de l’ANSES révèle que « le danger d’exposition des travailleurs aux pesticides [est] sous-estimé »

Sous le titre « Embarras autour d’un rapport explosif sur la nocivité des pesticides », Stéphane Foucart, dans Le Monde, rend compte d’un « rapport singulièrement explosif » (selon lui), dénonce des conflits d’intérêts cachés et, avec certaines ONG, « une volonté d’enterrer coûte que coûte » les conclusions du rapport.

Pour accréditer leurs thèses, GF et Stéphane Foucart interprètent la position de deux des experts auteur du rapport qui ont tenu à exprimer des nuances sur des points particuliers.
Stéphane Foucart va jusqu’à accuser Sonia Grimbuhler, spécialiste de la protection des travailleurs à l’IRSTEA[1], de n’avoir « pas consigné dans sa déclaration d’intérêts tous ses liens avec l’industrie des pesticides. » Ce qui est en cause : sa participation au « « projet pédagogique Educ’risk », un logiciel développé en collaboration avec la société agrochimique BASF Agro, réalisé « dans le cadre de [s]es fonctions à l’Irstea » »

La position de BASF

BASF a  répondu par une lettre ouverte dans laquelle ils font à leur tour part de leur « embarras » :

« Il est regrettable que Stéphane Foucart n’ait pas pris soin de vérifier ces informations directement auprès de notre société, ce qui aurait évité à ce scoop de faire pschitt
Rien de caché dans cette collaboration […]
– La collaboration que dénonce le journaliste porte sur la mise au point d’un logiciel «Educ’risk», pour lequel l’IRSTEA a apporté sa connaissance de terrain sur tous les risques auxquels un agriculteur est confronté dans son activité de tous les jours sur une exploitation agricole. […] Ce logiciel a été mis gratuitement à disposition du monde agricole et BASF a formé directement 4210 professionnels depuis 2012.
Permettez-nous, à notre tour, de vous décrire notre embarras à la lecture de cet article qui, en associant le nom de notre entreprise à une scientifique, en affirmant révéler de pseudo-scoops et en voyant des conflits d’intérêts là où ils n’existent pas, continue d’alimenter le doute sur l’intégrité des scientifiques et des entreprises comme la nôtre. Cette méthode rappelle étrangement celles dénoncées par vous-même dans le livre intitulé « La Fabrique du Mensonge » où vous dénonciez la pratique du doute. Attention à ne pas alimenter involontairement un populisme ambiant où le fait d’avoir croisé le chemin d’un industriel suffirait à discréditer le scientifique et son avis. C’est une méthode bien commode utilisée par les censeurs pour museler les avis scientifiques contradictoires pourtant potentiellement utiles aux avancées de la connaissance. […]
Enfin, permettez-nous également, de vous décrire notre embarras à la lecture d’un article qui semble reprocher à une entreprise et à un organisme public d’avoir travaillé ensemble sur un outil pédagogique permettant de mieux protéger les agriculteurs utilisateurs de pesticides (qu’ils soient conventionnels ou bios) ce que l’Anses appelle justement à améliorer dans son rapport… » (mises en gras par nos soins)

Notre conclusion

Le rapport de l’ANSES est d’un intérêt certain pour tous ceux intéressés par la santé au travail, agriculteurs et travailleurs agricoles inclus. Les pistes d’amélioration proposées par l’ANSES sont pertinentes.

La chasse aux conflits d’intérêts inexistants semble devenir la parade rituelle des environnementalistes ne trouvant rien à redire sur le fond.
Quoiqu’on pense des bénéfices et des risques liés à l’utilisation des pesticides, une telle attitude doit être fermement dénoncée.
D’autant qu’un conflit d’intérêt n’invalide pas a priori le propos d’un scientifique : il faut toujours juger sur le fond.

Nous laisserons le mot de la fin à Guy Waksman dans la Gazette de l’AFIA n°32-2016 : L’article de Stéphane Foucart était, pour lui, « aussi marrant que scandaleux » puisqu’il  « découvrait dans le rapport de l’ANSES ce que tout le monde (sauf Le Monde) sait depuis des lustres : ce sont les agriculteurs utilisateurs de produits chimiques qui risquent le plus leur santé… mais qui semblent dans l’ensemble maitriser la situation ! »

[1] Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (ex-Cemagref)

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