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Sans Roundup, « vous savez, le temps, ça coûte cher. » (une agricultrice en conversion bio)

06 mars 2017

Dans « Qui nous nourrira ? » (en français, in English, en español), sur son blog CulturAgriculture, Christophe Bouchet donne la parole à Marjolaine Turcotte, une agricultrice canadienne en conversion vers le bio. Elle explique ce qu’est une vie d’agriculteur, pourquoi ils utilisent des pesticides, que la production d’aliments est complexe, difficile, coûteuse, fatigante, et souvent mal rémunérée.

D’un côté la bio convaincue qu’elle est se réjouit de la disparition du Roundup. D’un autre côté, l’agricultrice en elle « ne pouvait que compatir avec le drame que cette nouvelle pourrait représenter pour une grande majorité de producteurs agricoles. »

Le coût du binage en l’absence de désherbant est très concret pour elle : « On a relevé nos manches, sorti nos fourches, chaudières, pelles, bâches, paillis, et on y a mis des heures. Et de la sueur. Et des heures. Et de l’huile de coude. Et encore des heures… »

Elle pose alors les vraies questions : « tous ces gens qui applaudiraient l’interdiction du glyphosate (ou de n’importe quel autre pesticide) seraient-ils prêts à payer plus pour des légumes produits sans l’aide de ces produits « sauve temps » ? Seraient-ils prêts à venir désherber dans nos champs ? À étendre et relever les filets contre les insectes, jour après jour ? À assumer avec les agriculteurs les pertes causées par les ravageurs et maladies ? Probablement pas… »

Pour elle, « si on veut éliminer ces produits de l’agriculture, c’est toute la société qui devra suivre et changer. […] Quand les producteurs comme nous auront baissé les bras, délaissé leurs fourches, bêches, filets et pelles, qui restera-t-il pour nous nourrir ? […] Je n’ai pas de solutions à proposer, malheureusement. Mais je crois qu’une bonne réflexion collective reste à faire… »

Christophe Bouchet conclut : « Quelque chose tourne très mal sur notre planète, et il ne s’agit pas de pollution ou de santé. […]
Nous vivons dans un monde de grandes gueules et de menteurs, dans lequel celui qui gagne est celui qui hurle le plus fort, dans lequel on glorifie et on récompense le jeu, la frime et les coups de gueule, mais dans lequel on pénalise le travail, l’honnêteté, l’éthique, le respect, la discrétion.
Merci Marjolaine pour ce beau texte, et bon courage dans votre difficile choix de conversion au bio. »
Merci à Christophe Bouchet de nous avoir fait connaitre ce texte…

Travail manuel dans les champs au début du XXe siècle (Coll. J.L. Bernard)

Travail manuel dans les champs au début du XXe siècle (Coll. J.L. Bernard)

Pour aller plus loin :
« Histoire : La longue lutte des agriculteurs contre les « mauvaises herbes » vue par l’INRA »
« « Mauvaises herbes, herbicides et droits de l’homme » »