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Banane « Bio » des pays tiers : ne pas se tromper de combat !

03 mars 2017

Dans « « La banane française, mieux que bio c’est possible ! » (UGPBAN) », nous avons rendu compte la campagne de dénonciation de la concurrence déloyale subie par la banane française. Synabio[1], organisation regroupant le commerce du bio, a demandé et obtenu en justice l’arrêt immédiat de cette campagne de l’UGPBAN[2]. Le juge a en effet estimé que cette campagne tendrait à associer la banane française à la production biologique. Au-delà de cette question de forme, qu’en est-il sur le fond ?

Synabio crie victoire

Dans un communiqué de presse, Synabio se félicite évidemment de sa victoire. Il faut cependant remarquer :
Synabio représente le commerce bio, pas l’ensemble des « professionnels de la bio » comme le sous-entend leur communiqué. Les autres organisations de la bio n’ont pas participé à l’attaque en justice.
A tort, leur commentaire fait comme si le jugement portait également sur le fond de l’affaire. Synabio affirme que « les produits bio d’importation doivent respecter des cahiers des charges apportant des garanties équivalentes à celles exigées en Europe ». Or, concernant en particulier les pesticides utilisés et les moyens d’application, les règles du bio des pays tiers sont en fait sensiblement différentes… et, de fait, souvent moins restrictives que pour la production conventionnelle de l’UE.

Le 2 mars 2017, après le jugement, un communiqué de l’Agence bio, qui ne participait pas à la plainte en référé se met dans la roue de Synabio, avec à peu près les mêmes arguments.

L’UGPBAN s’explique sur le fond

Dans « La banane française continue son combat », l’UGPBAN « prend acte de l’ordonnance de référé » et précise que « le juge a basé sa décision sur la forme et en aucun cas sur le fond. ». Mais surtout explique dans le détail l’incohérence règlementaire du « système d’équivalence » qui permet aux productions bios des pays tiers d’être commercialisées sous le label bio européen, tout en ayant des règles différentes ; en particulier sur le plan phytosanitaire. Un rapport du Sénat de 2016 constate que « les bananes bio de République dominicaine qui couvrent 80% du marché peuvent être traitées par 14 substances interdites en agriculture conventionnelle dans l’Union européenne »

L’UGPBAN a reçu le soutien de Felcoop (Coopératives Fruits et Légumes) et de la Fedom (Fédération des Entreprises des DOM).

Les perspectives

1) Il n’y a aucune confusion sur la teneur du message des producteurs de banane de Guadeloupe et Martinique. D’ailleurs, immédiatement, c’est bien la dénonciation des « fausses » bananes bio qui a fait les titres des médias. Voir par exemple Libération et France 24.
« Mieux que bio, c’est possible » est un slogan qui met certes les pieds dans le plat. Mais peut-on réellement dire qu’il introduit une confusion possible dans l’esprit du consommateur ? Le bio est certes honorable. Mais pourquoi ne pourrait-on pas faire « mieux » ? En ce sens au moins, le jugement en référé, portant sur la forme, est contestable. Nous apprenons d’ailleurs en dernière minute que l’UGPBAN a décidé de faire appel du jugement.

2) Sur le fond, il n’y a aucune attaque du bio de l’UE. Ce que l’UGPBAN attaque c’est l’incohérence réglementaire que constitue le système « d’équivalence ». Ce point est particulièrement important à l’heure où l’UE s’apprête à assouplir encore ce système d’équivalence.

3) La filière bio n’est pas si unanime que cela : ce n’est pas un hasard si seuls les commerçants du bio ont intenté un référé. L’importation des fruits et légumes bio hors-UE, parce qu’ils n’ont pas les mêmes règles que celles de l’UE, n’est pas bien perçue par les producteurs bios français et européens.

4) Le cas de la banane n’est qu’un témoin d’un cas plus général. Les différences de règlementation phytosanitaire sont, dans certains cas, un facteur important de distorsion de concurrence entre producteurs de différents pays.

5) Dans le cas de la banane, il se rajoute la confusion du fait du mécanisme « d’équivalence ». Le consommateur est induit en erreur : Achetant une banane avec le logo bio européen, il croit acheter du bio conforme au cahier des charges européen. Alors qu’il achète une banane ayant subi des traitements de pesticides interdits en conventionnel dans l’UE.

Que la filière bio ne se trompe pas de cible : c’est en clarifiant l’attribution du logo bio européen qu’elle gagnera en crédibilité et en fiabilité. Pas en attaquant un opérateur commercial, fût-il en conventionnel, qui souffre de la confusion règlementaire qui règne.
Il n’est pas impossible que cette communication amène une prise de conscience plus générale, y compris dans la filière bio.

Le stand de l'UGPBAN au SIA le 28 février 2017

Le stand de l’UGPBAN au Salon de l’Agriculture le 28 février 2017

Mise à jour du 03 mars à 19h:
Le même stand de l’UGPBAN le 03 mars 2017 :

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L’UGPBAN se trouve donc être l’inventeur du teasing à l’envers… Concept marketing à creuser ! 😉

[1] Syndicat regroupant les transformateurs, grossistes et distributeurs de bio en France

[2] Union des Groupements de Producteurs de Bananes de Martinique et Guadeloupe