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Carrefour : un marketing hypocrite, démagogique et mensonger

22 sept. 2017

1709PinocchioCarrefourMensonge Carrefour a lancé une campagne (film + pétition (sic !)) intitulée le « marché interdit ». Carrefour serait un grand sauveur des semences paysannes, du goût et de la biodiversité. Décryptage.

La campagne est reprise par certains médias, principalement professionnel et économiques. Par exemple, LSA, Zone Bourse.
Certains le font avec une lecture en partie critique. Le Figaro reprend la réponse du GNIS. L’Express se livre à une analyse approfondie. Approuvant la volonté d’aboutir à un « assouplissement des normes du catalogue » de semences, il souligne que « la campagne de l’enseigne est un peu trompeuse », et que « les réseaux de militants s’interrogent néanmoins sur les intentions réelles de l’enseigne. »

Quelques premières réponses à Carrefour

Le GNIS (Groupement National Interprofessionnel des Semences et plants), dans « Pourquoi Carrefour ne vend-il pas les 3 200 variétés de légumes disponibles ? », dénonce les mensonges et manipulations de Carrefour. Les sélectionneurs publics et privés « ont conservé les variétés anciennes quand elles étaient abandonnées de la grande distribution et, par force, des consommateurs. Ils disposent ainsi dans leurs collections de plus de 2 000 variétés de tomate, 4 000 de piment et de poivron, 1 000 de carotte… qu’ils mettent à la disposition de tous. » 150 variétés nouvelles s’ajoutent chaque année au 3 200 variétés de légumes déjà en vente. En 1971, il y en avait moins de 500.
Rendant compte de la réaction du GNIS, Campagnes et Environnement insiste sur les objectifs des sélectionneurs : résistances aux maladies et aux stress climatiques, goût, diversification.

Dans « Semences : la campagne mensongère de Carrefour », le blog Stop Intox dénonce les intox de Carrefour et explique en quoi, « en exigeant que la loi sur les semences change, Carrefour joue un jeu très dangereux ».
Dangereux pour les paysans car sa démarche fait le lit du droit anglo-saxon. « Carrefour pousse à la généralisation du brevet et donc d’un contrat qui ficèlera encore plus le paysan et surtout la recherche. De grandes multinationales ne peuvent que se féliciter de cette prise de position. »
Dangereux pour la culture et tous les artistes : il fait le parallèle entre les droits d’auteur et ceux des obtenteurs.

 

Un marketing hypocrite, démagogique et mensonger

Nous pourrions rajouter dangereux pour les consommateurs et la société toute entière. Car, le moins que l’on puisse dire, c’est que Carrefour a du culot…

Le marketing de Carrefour est avant tout mensonger :

Comme l’écrit le GNIS, et contrairement aux affirmations mensongères de Carrefour, il y a une diversité grandissante de variétés disponibles.

De plus, le « marché interdit » est une fable. S’il est vrai qu’un producteur n’a pas le droit de vendre des semences (ou de matériel de multiplication) de variétés non inscrites, légalement rien n’interdit à un producteur de vendre le produit issu de ces semences. Rien ne lui interdit de ressemer ses propres semences.

L’inscription au catalogue a deux buts clairement affichés :
– protéger un obtenteur contre une utilisation pirate de ses semences (sur lesquelles il a investi)
– protéger l’acheteur de semences en lui garantissant qu’il achète une semence distincte, homogène et stable. Bref qu’il aura bien la variété qu’il souhaite.
Qui plus est, il existe aussi la possibilité d’inscrire une variété ancienne à un coût très faible en faisant simplement la preuve qu’elle est bien distincte des variétés déjà inscrites. Il est plus que douteux que l’oignon « rosé d’Armorique » présenté par Carrefour soit réellement différent (« distinct ») du « rosé de Roscoff »…

Le marketing de Carrefour est aussi hypocrite :

Carrefour se veut le chevalier blanc de la biodiversité. Mais c’est bien la grande distribution, Carrefour en tête, qui est responsable de l’uniformisation des rayons, dont elle commence tout juste à sortir ces dernières années.

Le marketing de Carrefour est démagogique :

Carrefour tente de détourner à son avantage la déception du consommateur face à l’uniformisation des rayons. Mais « l’assouplissement » qu’il préconise est tout simplement le règne de la jungle : sans les garanties de l’inscription, le marché des semences (et même leur dénomination…) deviendrait complètement illisible. Comme l’écrit Stop Intox, ce serait la porte ouverte « à la généralisation du brevet et donc d’un contrat qui ficèlera encore plus le paysan et surtout la recherche. De grandes multinationales ne peuvent que se féliciter de cette prise de position. »

Carrefour n’est pas une œuvre de bienfaisance. Sur la base de deux mensonges, il utilise des producteurs pour une opération de communication et pour contribuer à un « assouplissement » du marché des semences qui n’est ni dans l’intérêt des agriculteurs ni dans celui des consommateurs.

1709GNIS

Mise à jour du 25 septembre 2017
Dans « Carrefour pédale dans les semences », Olivier Masbou rend compte des diverses réactions du monde agricole, particulièrement fruits et légumes, à la campagne de Carrefour. Avant d’inviter ses lecteurs à un débat organisé par le GNIS, avec un animateur des débats « sympa », il conclut « Carrefour France est en effet en plein chamboulement. L’enseigne est en difficulté. Est-ce une raison pour tenter de se refaire la cerise sur le dos des producteurs ? »