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Le vrai scandale du glyphosate : les « Portier Papers »

20 oct. 2017

Une partie des médias, y compris environnementaliste, est moins offensive contre le glyphosate. Mais l’offensive de certains environnementalistes se radicalise toujours plus. A entendre les plus militants, Monsanto est le diable en personne et les agences de sécurité sont à ses ordres. Accusé de tous les maux. Mais est-ce si sûr ? Où l’on voit que Portier le chevalier blanc de la lutte contre le glyphosate, comme le CIRC, seule agence qui ne soit pas vendue à Monsanto (ironie), sont très loin d’être irréprochables…

Une partie des médias comprend l’enjeu

Par exemple, LCP retransmet le discours de Phil Hogan, commissaire européen, à l’Assemblée Nationale.

Terre-Net fait part « Des voix venues d’ailleurs s’élèvent pour démêler le vrai du faux » sur le glyphosate : essentiellement quelques blogs et la Fondation Concorde.

Euractiv veut « apporter un peu de sérénité dans le débat européen sur le glyphosate »

Même des dirigeants politiques environnementalistes se rendent compte de l’irréalisme d’une interdiction brutale : « Glyphosate : Une interdiction du jour au lendemain serait « irresponsable » selon F. de Rugy »

Dans « Glyphosate : derrière les gesticulations politiques, l’agriculture sous tension », Marc White dans son blog lié à Médiapart, montre que le débat sur la sécurité du glyphosate « Ce n’est pas ce qui compte vraiment » : le glyphosate est en fait un « épouvantail utile ». Bien sûr, écrit-il, « l’idée n’est pas de donner un blanc-seing au glyphosate ». Mais, avant d’interdire le glyphosate, « il convient d’agir avec précaution, la même que les anti réclament à grands cris. […] Le fantasme d’une agriculture exclusivement bio, issue des circuits courts et locale, sans empreinte carbone, n’est pas forcément réalisable dans les faits.
La réalité est infiniment plus complexe. […] Dans la guerre interne qui se joue, l’agriculture doit trouver une voie de synthèse, plutôt que de se laisser aller aux divisions qui ne sont bonnes pour personne. »

Dans « Les paradoxes du glyphosate », Bella Ciao sur son blog lié à AgoraVox, souligne les avantages agronomiques et environnementaux d’une utilisation raisonnée du glyphosate et demande de « Raison garder dans une ambiance trop souvent angoissante… »

Dans « Le Roundup sur le banc des accusés », Marc Mennessier, dans Le Figaro, dénonce la pratique du « Plus c’est gros, plus ça passe » de Marie-Monique Robin

Les « Monsanto Papers »

Cependant, sentant la faiblesse de leurs arguments, une partie des environnementalistes s’enfonce dans la radicalisation et font feu de tout bois. Ainsi en est-il de Stéphane Foucart et Stéphane Horel, dans Le Monde, leaders en la matière.

Depuis juin 2017, ils accusent régulièrement Monsanto d’avoir manipulé les agences de sécurité sanitaire US et UE, à coups d’argent, de « ghostwriting »[1] et de conflits d’intérêt cachés. Pour mieux marquer les esprits, ils ont habilement baptisé leur enquête « Monsanto Papers ».
Dans « Glyphosate : que disent vraiment les « Monsanto Papers » ? », nous avons montré que ceux-ci ne révèlent aucun conflit d’intérêt caché, ni aucun élément de nature à induire en erreur les agences sanitaires, qui ont toutes estimé que le glyphosate n’est pas cancérigène. L’ensemble des pseudo-révélations du Monde n’a qu’un but : peser dans le débat politique et réglementaire actuel, sans aucun égard ni pour les faits, ni pour la science.

Dans« Le Monde a raison sur les « Monsanto Papers » : des dérives inadmissibles », Seppi dénonce « la manipulation médiatique » à laquelle se livre Le Monde : « les articles des deux Stéphane étant franchement nauséabonds. On peut être heureux – enfin… – que la cible soit un produit phytopharmaceutique au travers d’une entreprise, et non une personne. Car c’est du style Gringoire et Je suis partout. » Malheureusement, il semble avoir raison…

Les « Portier Papers »

La source des pseudo-révélations du Monde est essentiellement Christopher Portier. Pour Le Monde, Christopher Portier, étant un des experts invités auprès du CIRC[2] pour le glyphosate et dénonçant les manœuvres de Monsanto, est forcément compétent et désintéressé.

Or, dans « La cupidité, les mensonges, et le glyphosate : les « Portier Papers » » (in English, traduction française par Seppi), David Zaruk, The Risk Monger[3], s’appuyant sur une déposition (in English) de Christopher Portier sous serment devant un tribunal US, a révélé que :
« – Au cours de la semaine dans laquelle le CIRC a publié son avis sur la cancérogénicité du glyphosate, Christopher Portier a signé un contrat juteux en tant que consultant en litiges pour deux cabinets d’avocats[4] se préparant à poursuivre Monsanto au nom de victimes d’un cancer dont la cause a été attribuée au glyphosate.
– Ce contrat a rémunéré Portier à hauteur d’au moins 160 000 $US (jusqu’en juin 2017) pour les premiers travaux préparatoires en tant que consultant en litige (les frais de voyage en sus).
Ce contrat contenait une clause de confidentialité selon laquelle Portier devait s’abstenir de déclarer de manière transparente cet emploi aux tiers avec lesquels il serait en contact. De plus, Portier a même déclaré qu’il n’a pas touché un centime pour le travail qu’il a fait sur le glyphosate.
– Il est devenu clair, dans les courriels fournis lors de la déposition, que le rôle de Portier dans le mouvement pour l’interdiction du glyphosate a été crucial. Il a promis dans un courriel adressé au CIRC qu’il protégerait sa réputation et la conclusion de la monographie, et qu’il s’occuperait des rejets des conclusions du CIRC prononcés par le BfR et l’EFSA.
– Portier a admis dans la déposition qu’avant les réunions du CIRC sur le glyphosate, dans lesquelles il était le seul conseiller expert externe, il n’avait jamais travaillé sur le glyphosate et n’avait aucune expérience au sujet de cette substance. »

Dans son article, The Risk Monger donne tous les détails de cette hypocrisie sordide, de ce « scientifique qui retire des tombereaux d’argent pour lire quelques documents (ou mémos) et part à l’attaque militante pour critiquer les chercheurs financés par l’industrie ou ceux qui pourraient tirer des conclusions biaisées en fonction de « motivations économiques » ».

La pitoyable défense du Monde

Il n’est pas impossible (et il est même probable) que S Foucart et S Horel n’étaient pas informés de tous ces faits concernant C Portier. Cependant, les apprenant, S Foucart estime que « Monsanto tente une dernière manœuvre pour sauver le Roundup. » Pour lui :
– Il ne s’agirait que d’une « rumeur largement diffusée sur Internet ». Sauf qu’il s’agit d’une déclaration sous serment de C Portier devant la justice US.
– Il n’y aurait pas eu corruption puisque le contrat a été signé après l’avis du CIRC, et une partie de l’argent versé « environ deux semaines après ». Sauf que, d’une part le soupçon demeure d’une entente préalable étant donné le délai très court. D’autre part et surtout, c’est le rôle de C Portier par la suite qui est le plus contestable : en particulier ses interventions multiples auprès de l’EFSA et de l’UE
Et beaucoup d’autres arguments encore. Mais tous plus faibles les uns que les autres. Seppi les démonte en détail dans « CIRC-gate et Portier-gate : les pitoyables contre-feux du Monde des deux Stéphane »

Ajoutons deux points importants :
– Au niveau international, certains importants organes de presse n’hésitent pas, eux, à faire part des faits. Par exemple The Times, le journal de référence en Grande-Bretagne[5] qui titre « Le scientifique était payé 160 000 $ » (in English), , n’hésite pas, lui, à faire part des faits… Le Monde va-t-il considérer que The Times est aux ordres de Monsanto ?
– « Dans « Dans son rapport sur le glyphosate, le CIRC a effacé les indices de « non-cancerogénéité » » (in English), l’agence Reuters montre, preuve à l’appui, un manque patent de transparence dans le fonctionnement du CIRC… Non, Monsieur Foucart, là encore, il ne s’agit pas d’une « rumeur » sur Internet.

En conclusion, nous reprendrons une remarque importante de The Risk Monger : Pour ces environnementalistes qui s’acharnent contre le glyphosate, toute personne qui le défend est forcément un suppôt de Monsanto, est forcément payée par Monsanto. Voir ici et ici. Cela dénote une vision étroite et cynique sur le monde que nous vivons. « C’est triste, désespéré et stupide. » Comme s’il était inconcevable que l’on défende l’utilisation du glyphosate pour ce qu’elle est : utile à l’agronomie, à l’environnement, aux agriculteurs et à toute la société. Comme si le glyphosate n’était pas dans le domaine public depuis des années. C’en est pathétique.

[1] Ghostwriting (littéralement : écriture fantôme) : en bon français, on devrait écrire « écriture par un nègre littéraire ». Mais l’expression est considérée aujourd’hui comme trop connotée.

[2] Centre International de Recherche sur le Cancer (IARC in English), agence de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé. Le CIRC est la seule agence de sécurité au monde à classer le glyphosate comme « probablement cancérigène ». Son avis se base sur le seul danger et non pas sur le risque. Le CIRC place aussi le travail de nuit et la viande rouge comme cancérigène probable…

[3] David Zaruk est professeur d’université à Bruxelles,

[4] Pour la bonne compréhension du public français, il faut préciser queles avocats aux USA peuvent être intégralement payés par un pourcentage des dommages et intérêts obtenus lors d’un procès.

[5] Le Monde est souvent considéré en France comme l’équivalent de The Times en Grande-Bretagne : analyses de fond, sérieux et volonté d’une certaine objectivité. Malheureusement, en France, Le Monde n’est plus toujours à la hauteur de sa réputation. En particulier, la rubrique agriculture-environnement, où sévit Stéphane Foucart, est clairement militante environnementaliste…

1710AffaireClaireDupondtSeppi