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Le sulfoxaflor, un danger pour les abeilles ?

20 nov. 2017

Le sulfoxaflor est un insecticide, nouvellement autorisé, actif contre de nombreux insectes piqueurs-suceurs. Bien que se différenciant nettement des néonicotinoïdes, il est présenté par certains apiculteurs et environnementalistes comme un nouvel insecticide « tueur d’abeilles ». Appellation infamante destinée à obtenir son interdiction… Qu’en est-il ?

La présentation par la firme

Pour la firme les choses sont claires :
-Le sulfoxaflor est de la famille des sulfoximines, différente de celle des néonicotinoïdes : structure chimique différente, métabolisation sensiblement différente par les insectes, faible persistance dans le sol.
– Le sulfoxaflor est « parfaitement compatible avec la gestion du risque sur les abeilles ».
– Le sulfoxaflor a des effets limités sur la faune auxiliaire
– Le sulfoxaflor est efficace et ne présente pas de résistance croisée avec les autres insecticides.

Voir le communiqué de presse de la firme et son site Internet consacrés au Sulfoxaflor

La polémique

Cependant un syndicat d’apiculteurs et les environnementalistes présents sur les réseaux sociaux s’opposent à l’autorisation de cette substance pourtant approuvée au niveau européen. L’ONG Générations Futures (GF), anti-pesticides par principe, a même déposé deux recours contre les autorisations de mise sur le marché (AMM) délivrées par l’ANSES en France.
Ce recours a été repris par de nombreux médias, immédiatement et sans recul par rapport à la communication de GF.

Les arguments de GF sont :
– La procédure trop lente à leur avis du réexamen de l’ANSES suite à la demande du gouvernement
– Sur le fond, l’évaluation scientifique de l’EFSA qui évoquait un « risque élevé » pour les abeilles dans certaines conditions.

La page Wikipedia dédiée au sulfoxaflor est le reflet de cette polémique en fait déjà ancienne : elle avait commencé en 2015 lors du processus d’approbation au niveau européen…
Voir par exemple ici sur Médiapart en 2015. Sur son blog, sous le titre « Sulfoxaflor, le « pesticide tueur d’abeilles » » Seppi avait montré les enjeux de cette « chienlit » naissante.

L’ANSES sereine

« L’Anses renvoie la balle au gouvernement » : sous ces titres pratiquement identiques, Actu-Environnement et La France Agricole résument bien la situation. Avant même que l’ANSES ait terminé son réexamen des autorisations du sulfoxaflor, on sent ses dirigeants sereins quant à la qualité de leur expertise.
« Je ne connais pas d’insecticide qui ne tue pas les abeilles. La question, c’est quelles sont les conditions d’emploi qui permettent éventuellement de rendre le risque non inacceptable », souligne le directeur général de l’Anses face à la Mission d’information parlementaire sur l’utilisation des produits phytopharmaceutiques. Or « c’est parce que l’évaluation tant pour la santé humaine que dans les conditions d’emploi pour la santé des abeilles, permettait d’utiliser ce produit comme une alternative chimique insecticide qui présentait plus d’avantages que les produits aujourd’hui utilisés », que le sulfoxaflor a été autorisé.

« Glyphosate, sulfoxaflor : les experts de l’ANSES face au risque chimique » sur LCP est un article et une série de vidéos extraites de l’audition des dirigeants de l’ANSES. Le métier de l’agence y est bien expliqué.

Encore un bouc émissaire ?

Logiquement, si on interdit le glyphosate, substance particulièrement sûre, il est logique d’interdire tous les pesticides, tous les insecticides, y compris les insecticides bios, plutôt moins sélectifs que les insecticides de nouvelle génération. C’est la logique dans laquelle certains environnementalistes veulent entraîner la France et l’Europe. On ne peut donc que constater la cohérence de GF demandant l’interdiction du sulfoxaflor. Mais c’est une cohérence de raisonnement ne voyant que les risques, déconnectée du réel, en quelque sorte paranoïaque : Pas de prise en compte des bénéfices de l’usage des pesticides (à commencer par la protection contre les moustiques, les puces et les poux…), pas de prise en compte des mesures de réduction des risques incluses dans l’autorisation de l’ANSES. Les pesticides n’ont pas à être les boucs émissaires d’une société paranoïaque.
Il est légitime d’exiger une réduction des risques et une balance bénéfices/risques favorable. Cela a été le travail de l’ANSES, qui a montré que l’emploi de sulfoxaflor n’est pas « sans risques ». Mais qui a pu évaluer que, moyennant quelques précautions, le sulfoxaflor est une alternative chimique insecticide qui présente « plus d’avantages que les produits aujourd’hui utilisés. »
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