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Résidus de pesticides : l’opération marketing bidon annuelle de Générations Futures

23 févr. 2018

Le 20 février, les médias et les réseaux sociaux ont tous bruissé du rapport alarmant de Générations Futures (GF) sur les résidus de « pesticides » dans les fruits et légumes. La grande presse a, dans un premier temps, regurgité le discours de GF sans recul. Mais la filière Fruits et Légumes, la presse professionnelle et de nombreux bloggeurs ont été beaucoup plus prolixes et critiques. Ce qui a sans aucun doute contribué à enrayer quelque peu la campagne de com de GF…

Le rapport de GF

Sous le titre « Etat des lieux des résidus de pesticides dans les fruits et légumes en France (édition 2018) », GF utilise les données de la DGCCRF uniquement sur les produits conventionnels, fait une comparaison entre 19 fruits et 33 légumes dans une présentation délibérément alarmiste (la simple présence de résidus, même à des taux minimes, est considérée comme alarmante par GF).
Rien de nouveau en fait : des données rassurantes, et de plus officielles, puisque émanant de la DGCCRF, mais présentées de façon alarmiste… Le travail habituel de GF à la veille du Salon de l’Agriculture.

Des médias aux ordres de GF…

La grande presse rend compte du rapport de GF sans aucun recul.
Par exemple :

« Pesticides : les fruits et légumes en sont pleins » (Sciences et Avenir)
« Le raisin et le céleri en tête des fruits et légumes les plus contaminés par les pesticides » (Le Monde Planète)
« Trois-quarts des fruits et près de la moitié des légumes présentent des traces de pesticides » (Europe1)
« Le raisin, la clémentine, le céleri-branche… Quels sont les fruits et légumes les plus contaminés par les pesticides ? » (France Info)

…Mais pas tous

Notons que la DGCCRF a publié « Contrôle des résidus de pesticides dans les denrées végétales en 2016 », indiquant un taux de non-conformité de seulement 2.1% dans les plans de surveillance et apportant les précisions suivantes :
– « [La légère hausse des non conformités] peut  s’expliquer par l’acquisition de nouveaux matériels par les laboratoires de la DGCCRF, qui ont permis la quantification de molécules à des niveaux plus faibles. »
– « Afin de protéger les groupes vulnérables tels que les enfants, les limites maximales résiduelles sont fixées, non seulement de manière à ne pas présenter de danger, mais également au niveau le plus faible raisonnablement atteignable compatible avec les bonnes pratiques agricoles pour chaque pesticide. Ainsi la non-conformité d’une denrée n’induit que rarement un risque aigu pour la santé du consommateur. » Mais sans faire mention de l’opération de GF.

Certains médias professionnels font une critique en règle de l’opération de GF.
« Buzz médiatique. Générations Futures s’en prend encore aux fruits et légumes », (article de Julia Commandeur sur Réussir Fruits et Légumes) mérite une mention particulière : s’appuyant largement sur les dires de François Veillerette et le rapport de GF, il en montre les contradictions et les biais. Il donne aussi le point de vue de la DGCCRF, d’Interfel (voir ici), de JP Cravedi (INRA), etc.
A la fin de l’article, Julia Commandeur dénonce à juste titre le tweet d’allégeance au rapport de GF de Brune Poirson, secrétaire d’Etat à la Transition écologique, et conclut : « Lorsque la veille, la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, reconnaissait que « les lobbies sont partout, oui, ils sont partout », elle ne croyait pas si bien dire. On ne sait pas pour les cigarettes ou le pétrole, mais le lobby ONG-environnementaliste, lui, a clairement investi les couloirs du gouvernement. »

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Voir aussi « Générations futures joue avec les chiffres et les peurs » (La France Agricole, abonnés)

Sur les réseaux sociaux, agriculteurs et bloggeurs rationalistes sont nombreux à démonter l’opération de com de GF et la fausseté de ses arguments.

La recherche sur twitter de l’occurrence « @genefutures » (voir ici) montre que les réactions de dénonciation et d’analyse sont nombreuses et vives. On y voit les tweets de @MacLesggy, @Interfel, @AEGRW mentionnant la réaction de l’UIPP, @AlerteEnvironne, @cyr081 agriculteur bloqué par GF (vive le dialogue ☹), @UnMondeRiant, @ChLambert_FNSEA mentionnant la réaction d’Interfel, et tant d’autres.

Parmi tous ces liens, nous recommandons fortement « Zététique et journalisme – #2-05 – Pesticides et répétition », vidéo de Un Monde Riant. Sur un ton quelque peu moqueur, mais de façon documentée (avec de nombreux liens) et très complète, il démonte méthodiquement et rigoureusement le rapport de GF : rapport sans rigueur, tri des données, etc.
Parmi les liens mentionnés par Un Monde Riant, mentionnons une émission de la RTS (Radio publique suisse) de mai 2017 comprenant une interview très éclairante de François Veillerette, embarrassé, prenant « bonne note » des critiques qui lui sont faites, mais qui, depuis, n’a rien changé rien à sa façon de faire…
Un Monde Riant dénonce aussi largement le suivisme de la grande presse…

1802UnMondeRiant

Dans une courte vidéo, Agriculture et Environnement (A&E) a replacé le débat dans un cadre plus général mettant en évidence le lien entre la campagne de GF et la volonté de Nicolas Hulot de « sortir des pesticides ». Il démontre en 2 mn que « Zéro phyto, c’est du pipeau ! » (en bio comme en conventionnel)

1802AEZeroPhytoPipeau

Alerte Environnement montre « comment France Info se fait berner ». « Que dire du journaliste qui n’a même pas l’idée de donner la réplique à un scientifique, à un médecin nutritionniste ou encore à un représentant de la filière fruits et légumes. Non, l’info est en continue et à sens unique. » Alerte Environnement conclut : « Bruno Rougier s’est-il fait berner ou est-il le compère de François Veillerette ? »

[Mise à jour du 23 février 2018 :
Nous recommandons fortement la lecture de « Pesticides dans l’assiette ? Poison dans les médias !« , article bien documenté d’André Heitz sur Contrepoints.

1802AndreHeitzGeneFuturesFin de la mise à jour]

Les principaux points (très) douteux du rapport

Les sites, blogs et twittos mentionnés ont fait un tour quasi-complet des manquements graves de GF :
Les données sur lesquelles s’appuie GF sont celles de la DGCCRF. Elles sont rassurantes. Elles montrent essentiellement 97.4% de conformité à la réglementation (en-dessous de la LMR). Rien de nouveau sous le soleil.
– Il faut préciser que les LMR ne sont pas des limites de sécurité sanitaire. Ce sont des limites liées aux bonnes pratiques phytosanitaires. Un dépassement occasionnel ne présente pas de risque sanitaire. Comme l’écrit Jean-Pierre Cravedi, toxicologue à l’INRA : « Il y a un risque en cas de consommation régulière ou systématique d’un fruit ou d’un légume qui dépasse la LMR pour le même pesticide, ce qui est peu probable. » (Le Monde cité par Réussir Fruits et Légumes, article mentionné plus haut)
GF n’a pas daigné utiliser les données concernant les fruits et légumes bios (alors que ces données sont disponibles et pas très différentes de celles du conventionnel). On peut noter que GF est directement financé par le lobby bio. De là à voir un rapprochement…
– Bref, la méthode de GF, c’est encore et toujours : des chiffres rassurants, un rapport flippant

En point complémentaire, nous nous devons de répéter : Nous ingérons 10 000 fois plus de pesticides naturels (présents naturellement dans les fruits et légumes) que de résidus de pesticides artificiels. 10 000 !. Voir ici et ici.

Enfin, notons une nouvelle fois que le seul vrai problème de santé publique, c’est l’insuffisance de la consommation de fruits et légumes, dont les bienfaits sont avérés, eux.

Notre conclusion

Bref, sur le plan de la connaissance, « beaucoup de bruit pour rien[1] ». Mais ce genre de rapport trompe le public en tentant d’instiller une peur complètement injustifiée.
Heureusement, certains médias (plutôt professionnels) et réseaux sociaux (en particulier rationalistes) réagissent promptement et de façon argumentée et dénoncent l’aspect marchand de peur de GF.
Cette réaction a sans doute contribué à ce que, dès le 20 février au soir, la grande presse a cessé d’en faire les gros titres. Les manœuvres de GF commencent à être moins crédibles. On peut espérer que la grande presse sera plus prudente à l’avenir.
La filière Fruits et Légumes commence à réagir fermement. Il serait temps que cette fermeté soit le fait de toute la profession agricole sur l’ensemble de la question phytosanitaire.
Ce qui commence à être inquiétant, c’est la quasi-connivence sans scrupules entre le lobby ONG-environnementaliste et le gouvernement, via le ministère de l’environnement.

[1] Beaucoup de bruit pour rien (Much Ado About Nothing) est une comédie de Shakespeare jouant sur de multiples méprises. Voir sur Wikipédia.