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Arrêté phytos : Il nous faut rester mobilisés

02 déc. 2016

En fin de compte, le gouvernement va soumettre à Bruxelles un arrêté phytos sur les conditions d’emploi des produits phytos qui changera peu de choses par rapport au précédent arrêté du 12 septembre 2006. Il a annoncé vouloir se donner le temps de la réflexion pour des modifications ultérieures éventuelles.

Attention cependant : si les arboriculteurs ont contesté le précédent arrêté, c’est parce qu’il était inapplicable en l’état. D’autres secteurs de l’agriculture sont particulièrement concernés. Il importe donc de rester mobilisés pour un futur arrêté protecteur de l’environnement et de la santé humaine et réaliste.

Pour un bref résumé des épisodes précédents voir « Arrêté phyto : ménager l’environnement ou les environnementalistes ? »
Nous y avions mentionné qu’en dernière minute, le gouvernement semblait entendre la voix de la raison.

Il est maintenant confirmé que l’arrêté proposé sera quasi-identique à celui du 12 septembre 2006. Les quelques modifications éventuelles porteraient sur :
– Traitement en période de vent : La limite serait repoussée à 4 beaufort (28 km/ha) en cas d’équipement anti-dérive adéquat.
– Le délai de réentrée pourrait être augmenté pour certains produits, mais avec la possibilité d’intervenir plus tôt si l’on porte des équipements protecteurs.
– Concernant les ZNT, les fossés seraient exclus des cours d’eau

Des ONG déçues

Pour Générations Futures, « Le Gouvernement français cède aux pressions de la FNSEA et refuse de garantir un haut niveau de protection de l’environnement et des populations exposées aux pesticides »
Dans « Arrêté 2006 sur les phytos : trois points soumis à consultation » (accès restreint), Référence Environnement mentionne que des ONG « ont claqué la porte » d’une réunion de concertation.
Dans « la FNSEA emboîte énormités et amalgames » Reporterre conteste le chiffrage des pertes de surface et surtout des pertes économiques qu’occasionneraient les dispositions initialement prévues. Seppi a fait une lecture critique de cet article de Reporterre.
Dans un autre article « La nouvelle réglementation sur les pesticides s’élabore dans l’opacité », Reporterre donne la parole aux ONG. France Nature Environnement espère une « forte mobilisation des citoyens » et menace : Sinon, « nous irons devant les tribunaux car il y a fort à parier que cet arrêté sera contraire à la Directive cadre européenne sur l’eau »

Des médias quelquefois équilibrés

Une fois n’est pas coutume, beaucoup de médias n’ont pas suivi aveuglément les ONG.
Par exemple, dans « ZNT, le nouvel arrêté antipesticides qui fait enrager les arboriculteurs », Les Echos donne la parole aux ONG et aux producteurs « Nous ne sommes pas contre de nouvelles règles, mais pas au point de tuer nos exploitations », s’étrangle Luc Barbier [FNPF]. « Les arboriculteurs ont réduit les traitements depuis quinze ans », argumente Daniel Sauvaitre, président de l’ANPP. »
Même LeMonde rend compte de façon pas complètement caricaturale de la situation de deux châteaux viticoles bordelais mis en examen pour un « usage inapproprié de produits phytopharmaceutiques. » Il ne prend cependant pas la peine de mentionner que l’un des deux châteaux concernés est en Agriculture Biologique…

Sur son blog, Seppi interroge : « Les agriculteurs seront-ils victimes de la démagogie ? ».Il y évoque les différentes prises de position sur ce sujet et montre comment les ONG, singulièrement Générations Futures, sont un « écran pour l’industrie et le commerce de l’agriculture biologique ». Il y élargit le débat à partir des questions parlementaires publiées sur ForumPhyto et pose fort justement la question : « va-t-on étendre les « zones non traitées » au point de compromettre, par exemple, la lutte contre la cicadelle et la flavescence dorée de la vigne ? »

Notre conclusion

Avec cette nouvelle version, le pire est évité, temporairement. Cependant :
Les ONG ne vont pas désarmer et, dans les négociations ultérieures, demanderont que de nouvelles restrictions soient prises, quel que soit leur réalisme ou leur efficacité.
Le retour à l’ancien arrêté de 2006 n’est pas plus acceptable qu’il ne l’était en 2006.

Rappelons que :

Un arrêté contenant des dispositions disproportionnées est une atteinte grave à l’économie agricole : perte de compétitivité, pertes de surface, distorsions de concurrence.
– Avec cet arrêté maintenu, les arboriculteurs et les viticulteurs se trouvent dans une situation critique : vitesse du vent et délais de ré-entrée étant les deux points les plus délicats. Seuls les arboriculteurs s’étaient mobilisés jusque-là. Les viticulteurs, soumis depuis 2 ans à une pression médiatique et réglementaire importante, devraient mieux prendre la mesure de ces enjeux.
L’agriculture biologique, spécialement en maraîchage et en viticulture, serait tout autant touchée (même par un arrêté « maintenu ») que l’agriculture conventionnelle.
Les régions dont l’agriculture serait la plus touchée par un tel arrêté sont :
– a) les ceintures vertes des villes du fait d’un parcellaire éclatée et de la proximité de nombreuses habitations. A l’heure où les pouvoirs publics veulent développer l’agriculture de proximité
– b) les régions les plus bocagères avec habitat dispersé, avec des exploitations familiales et un parcellaire relativement plus éclaté. Les grandes plaines céréalières seraient moins impactées.
– Répétons-le : L’objectif de protection de l’environnement et des personnes est sans conteste légitime. Mais les moyens employés par l’arrêté même « maintenu », sont inappropriés et inapplicables.
Pour que la discussion sur le fond permette de prendre des mesures s’appuyant sur des données concrètes et scientifiquement validés, et pas sur ce qu’on croit être « l’opinion publique », il est important que les producteurs restent mobilisés.

Actualisation au 06 décembre 2016:
Dans « « Arrêté phytos : Il nous faut rester mobilisés » sur Forumphyto. Glané sur la toile 109 », Seppi fait une lecture critique de notre article. Tout en approuvant l’ensemble de l’article, il ajoute un élément de conclusion important : « Mais la mobilisation, à notre sens, doit se manifester par un effort bien plus important d’explication des enjeux, des vrais. Il faut, certes, argumenter à contre-courant de la rhétorique dominante, mais est-ce si compliqué d’exposer le rôle des pesticides dans la production d’une nourriture saine ? » Il prend l’exemple d’un article scientifique qui montre que le retrait de traitements herbicides et insecticides sur le maïs augmente la contamination par les mycotoxines.

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