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Perturbateurs endocriniens : où sont les marchands de doute ?

05 déc. 2016

Une centaine de chercheurs ont publié la semaine dernière une lettre ouverte, dénonçant de prétendues manipulations scientifiques concernant les perturbateurs endocriniens, critiquant leur définition par la Commission Européenne, et proposant au final un « GIEC des perturbateurs endocriniens » pour mieux faire entendre la voix des scientifiques face aux « marchands de doute » et aux « individus dans le déni de la science, ou financés par des intérêts industriels ».

Il est tout-à-fait normal que des chercheurs expriment, si nécessaire, leur désaccord sur des décisions politiques concernant leur discipline. Mais leur manifeste se contente en fait de reprendre les approximations et la rhétorique complotiste des ONG environnementalistes, sans y ajouter aucun argument  scientifique, ni aucune démonstration des manipulations qu’ils prétendent dénoncer. Il donne donc une triste image du monde scientifique, d’autant plus que l’on trouve parmi les signataires une proportion alarmante d’auteurs de publications déjà épinglées dans ForumPhyto…

Un article dans Le Monde

Le Monde a publié le 29 novembre une tribune au titre tonitruant : « Perturbateurs endocriniens : halte à la manipulation de la science[1] ». Cosigné par une centaine de scientifiques, ce texte prétend dénoncer « Des individus dans le déni de la science ou financés par des intérêts industriels [qui] déforme[raient] délibérément des preuves scientifiques afin de créer une fausse impression de controverse ». D’après eux, « Cette manufacture du doute a retardé des actions préventives et eu de graves conséquences pour la santé des populations et l’environnement ». Ils rappellent à ce titre les controverses sur les effets du tabac et du changement climatique, mais leur texte vise surtout le cas actuel des perturbateurs endocriniens (PE). Ils appellent les scientifiques (sous-entendus les « vrais » scientifiques, par opposition à « des scientifiques fortement liés à des intérêts industriels ») à surmonter leurs réticences à s’exprimer dans le débat politique, sans craindre de compromettre leur objectivité. En effet, d’après eux «Ce serait effectivement inquiétant si nos opinions politiques obscurcissaient notre jugement scientifique. Mais ce sont ceux qui nient la science qui laissent leurs opinions politiques obscurcir leur jugement ». Passons sur le manichéisme de cette affirmation, pour en arriver à la conclusion : les auteurs de la tribune appellent à la création d’un équivalent du GIEC[2] pour les PE, afin de contrecarrer «la désinformation du public et des dirigeants ».

Il y a dans ce texte de grands principes que l’on ne peut qu’approuver :

  • L’incitation à une intervention forte et claire de la science dans le débat public
  • La volonté de lutter contre les distorsions de la science pour servir des causes non scientifiques… à condition d’y inclure non seulement les intérêts économiques, mais aussi idéologiques ! Malheureusement, sur ce 2ème point, le manifeste est beaucoup moins offensif…

Quelles manipulations de la science ?

Puisque ce texte vise très explicitement les perturbateurs endocriniens, on en vient vite à se poser une question : quelles sont les fameuses « manipulations » scientifiques concernant les PE ? Les auteurs du manifeste ont-ils connaissance de publications truquées qui viseraient à nier leurs effets ? Si oui, pourquoi ne les citent-ils pas explicitement, et n’expliquent-ils pas en quoi ces travaux seraient mensongers ? Tout l’intérêt de la démarche scientifique est de permettre un débat le plus objectif et transparent possible, quelles que soient les convictions des auteurs. La bonne façon d’élever le débat serait donc d’inventorier les objections de la partie adverse, et d’y répondre. Rien de cela ici : les auteurs se contentent d’insinuations et d’imprécations vagues, sans que l’on sache jamais si leurs accusations de manipulation se rapportent seulement aux vieux exemples cent fois rabâchés de l’industrie du tabac, ou s’ils ont des cas du même genre à citer concernant les  perturbateurs endocriniens.

Leur deuxième accusation est encore plus étrange d’un point de vue scientifique : les mystérieux « marchands de doute » créeraient « une fausse impression de controverse ». Soulignons d’abord qu’il est navrant de voir des scientifiques reprendre à leur compte l’expression « marchand de doute ». Ce vieil élément de langage, inventé par des journalistes polémistes, vise à discréditer ce qui devrait être le fondement de la démarche scientifique : la remise en doute continuelle de toute théorie ou résultat qui n’a pas été définitivement confirmé. Mais la deuxième expression est encore plus paradoxale…ou révélatrice : comment une impression de controverse pourrait-elle être fausse ? Dans des sciences « dures » comme la toxicologie ou l’épidémiologie, les résultats expérimentaux laissent peu de place à la subjectivité. Si une controverse s’éternise, c’est qu’aucune partie n’a de résultat vraiment convaincant… et que la controverse est donc justifiée !

On pourrait à la rigueur s’alarmer, si le camp minoritaire d’une polémique scientifique réussissait à faire croire aux citoyens qu’il est majoritaire, en abusant de l’ignorance du grand public. Mais, pour la question qui nous intéresse ici, c’est loin d’être le cas, en tout cas dans le sens où cette tribune le prétend : on ne peut vraiment pas dire que les medias soient inondés de fausses nouvelles, visant à minimiser les effets des PE ! En l’occurrence, nos vaillants pétitionnaires emploient le même procédé que les polémistes comme Eric Zemmour, qui, bien qu’ayant table ouverte sur tous les plateaux de télévision, passent leur temps à se dire victimes de censure. Bien qu’exprimant un point de vue hypermajoritaire, ils arrivent encore à se plaindre d’une prétendue désinformation, dont on se demande bien où elle s’exprime.

Où sont les marchands de doute ?

Cela dit, il est vrai que certains profitent parfois de la complexité du langage scientifique, pour laisser planer des doutes auprès du grand public, sur des sujets qui devraient pourtant être clairs scientifiquement. Nous en avons souvent vu des exemples dans ForumPhyto…mais pas forcément dans le camp des marchands de doute vendus aux intérêts industriels !

Pour rappel, les résultats des grandes cohortes sur la santé des agriculteurs, l’AHS aux Etats-Unis, et Agrican en France, montrent sans ambiguïté que l’on n’observe chez eux aucune surmortalité, pour aucun type de cancer. C’est d’ailleurs la conclusion qu’a exprimé clairement l’EFSA[3]. Malgré cela, l’expertise collective de l’INSERM a employé des termes suffisamment alambiqués pour laisser croire le contraire à propos de quelques cancers, en montant en épingle un indicateur de mortalité relative qui n’a aucun sens dans ce contexte[4].

Encore s’agit-il là d’un exemple plutôt rare, dans lequel les scientifiques eux-mêmes (en l’occurrence le comité d’experts INSERM) ont employé eux-mêmes une formulation inutilement compliquée, qui suscite le doute chez des lecteurs non-initiés. Le plus souvent, les interprétations abusives de résultats potentiellement ambigus viennent de la presse et des ONG environnementalistes, et non des chercheurs eux-mêmes. Mais dans ce cas il serait bon que ceux-ci interviennent ensuite pour démentir ces dérives… et c’est bien rarement le cas ! Nous avons vu dans un article récent le cas d’une des publications les plus souvent citées comme prouvant un effet perturbateur endocrinien de l’atrazine[5] . Comme nous l’avons montré précédemment[6], cet article était tout-à-fait recevable scientifiquement, mais aurait demandé des confirmations approfondies : le résultat concernant l’atrazine n’était pas significatif aux seuils de décision usuels, et surtout les auteurs trouvaient aussi un autre résultat pour le moins surprenant, puisque la simazine, une molécule très proche de l’atrazine, semblait au contraire avoir un effet positif sur la croissance fœtale ! Mais le plus important est que cette étude n’a montré aucun effet de l‘exposition aux résidus d’atrazine présents dans les eaux de boisson. A supposer qu’ils aient été confirmés par la suite, ce qui n’a pas été le cas, les effets sur la croissance embryonnaire suspectés dans cet article ne concerneraient que les femmes ayant utilisé elles-mêmes de l’atrazine, mais cette restriction n’est pas formulée très clairement dans l’article. Seule une lecture attentive, avec des connaissances de base en toxicologie, permettait de le comprendre. Or cette publication est fréquemment citée par erreur comme démontrant un effet des résidus d’atrazine dans les eaux de boisson. Elle a par exemple fait l’objet de longues citations dans ce sens (avec interview des auteurs) dans le fameux Cash Investigation de février 2016[7], et le très partial dossier Pesticides de La Recherche de mars 2016[8]. Nous attendons encore la mise au point des auteurs à ce sujet. Si nous revenons sur cette publication, ce n’est pas seulement pour le plaisir de citer ForumPhyto : l’auteur principal de cet article figure parmi les signataires de ce manifeste.

On ne peut que souscrire à la volonté affichée par cette lettre ouverte, de dénoncer les « marchands de doute » qui chercheraient à nier des risques clairement établis…mais à condition de traquer avec la même rigueur les « marchands de soupçons » qui laissent subsister des inquiétudes contraires aux connaissances scientifiques !

 

Contre quel consensus scientifique ?

Mais au fait, en quoi consiste ce fameux consensus scientifique invoqué par les auteurs, tellement évident que ses contradicteurs devraient se taire pour ne pas entraver la marche triomphante de la science ? D’après eux, tous les scientifiques s’accordent pour affirmer que « jamais l’humanité n’a été confrontée à un fardeau aussi important de maladies en lien avec le système hormonal ». Voilà qui justifierait effectivement l’état d’urgence scientifique, quitte à rogner un peu la liberté d’expression des scientifiques dissidents. Malheureusement pour nos garants de la juste pensée, le premier exemple de pathologie qu’ils donnent tombe assez mal : il s’agit du cancer du sein. Petit problème : les statistiques de l’Institut National du Cancer montrent sans ambiguïté que l’incidence et la mortalité de ce cancer diminuent régulièrement depuis 10 ans[9]. Il en est de même pour un autre cancer cité, celui de l’ovaire, pour lequel la baisse de l’incidence est encore plus ancienne. En ce concerne le cancer de la prostate, également cité, l’INVS et l’Institut National du cancer font également état d’une tendance à la baisse de l’incidence depuis 2005, et surtout signalent que l’explosion apparente de l’incidence aux débuts des années 2000 était un artefact généré par l’amélioration du dépistage[10]. L’INVS et l’INC sont-ils  composés d’« individus dans le déni de la science », ou sont-ils « financés par des intérêts industriels » ?

En fait, pour une bonne partie des pathologies citées dans le manifeste, l’ « explosion » des cas n’est qu’une légende urbaine démentie par l’épidémiologie. Et, pour celles dont l’augmentation est incontestable, comme l’obésité ou le diabète, l’explication par les perturbateurs endocriniens est très loin d’être la piste prioritaire. La préoccupation sur les perturbateurs endocriniens est bien sûr une inquiétude partagée par l’immense majorité des chercheurs. Mais au-delà de cette unanimité générale et légitime, le prétendu consensus vole en éclat sitôt que l’on examine en détail le cas de pathologies précises.

Des signataires bien connus des lecteurs de Forum Phyto

Cette tribune relève d’une ambition difficile, celle d’expliquer au grand public des débats scientifiques complexes. On pourrait donc lui pardonner ses multiples approximations, s’il elle ne provenait que de chercheurs dont les publications scientifiques sont inattaquables. Or c’est loin d’être le cas, et certains des signataires sont bien connus des lecteurs de ForumPhyto (mais pas très favorablement). On retrouve parmi eux Tyrone Hayes, une des vedettes américaines du Cash Investigation sur les pesticides, dont aucun collègue n’a jamais réussi à reproduire les résultats sur un effet endocrinien de l’atrazine[11]. Mais, surtout, on note parmi les premiers signataires (et donc probablement rédacteurs) la présence de B. Demeneix, P. Grandjean, T. Zoeller, co-auteurs d’une très surréaliste étude sur le coût social des perturbateurs endocriniens[12] (ainsi que leur co-signataire L. Trasande dans les signataires suivants: ce qui nous fait quand même 4 auteurs de cet article particulièrement fantaisiste, parmi les 94 signataires). Nous en avons longuement analysé l’empilement d’hypothèses hasardeuses et de calculs statistiques détournés de leur domaine de validité, dans un article précédent[13]. Si c’est là le type d’évaluation scientifique qui doit conduire à l’avenir à des décisions réglementaires, il y a vraiment de quoi s’inquiéter ! Or B. Demeneix ne cache pas que c’est son ambition : dans une interview du magazine Pour la Science de juin 2016[14], elle critiquait déjà la définition des perturbateurs endocriniens retenue par la Commission Européenne, trop restrictive d’après elle (ce qui est un point de vue tout-à-fait recevable), et qui empêchait de généraliser son étude à d’autres produits !

LE « GIEC » des perturbateurs endocriniens, une bonne idée ?

Les auteurs indiquent clairement que leur intention est de peser sur le débat politique, en particulier à propos de la définition des PE par la Commission Européenne. En effet, ils considèrent que la proposition actuelle de la Commission[15] est trop restrictive pour bien protéger la santé humaine, sans détailler plus leur argumentation. En fait, leurs critiques, qu’ils ont détaillées dans d’autres publications, portent essentiellement sur trois sujets :

  • Si ces critères sont retenus, la Commission ne considérera comme PE que les produits chimiques pour lesquels un effet sur le système endocrine aura été réellement identifié (par opposition à ceux pour lesquels n’existent que des indices basés sur des liaisons exposition*pathologie)
  • La Commission ne retient qu’un classement binaire (PE ou non PE), alors que beaucoup de toxicologues et épidémiologistes préfèreraient un classement plus gradué selon la probabilité d’effet PE, comme c’est déjà le cas pour la carcinogénicité.
  • Elle ne retient que les produits pour lesquels l’effet PE a été identifié chez l’homme. Les produits pour lesquels un effet PE a été observé chez l’animal, mais pas chez l’homme, ne seraient pas concernés.

Il est probable que la 3ème objection s’apaisera assez vite, au moins pour les produits de protection de plantes. En effet, l’un des principaux insecticides bios, l’azadirachtine (matière active de l’huile de neem) a un mode d’action perturbateur endocrinien pour les insectes, mais pas pour l’homme[16]. Il resterait donc autorisé selon la Commission, mais pas selon les règles souhaitées par les pétitionnaires. Gageons que pour une fois les écologistes se rangeront à l’avis de la Commission…

Les deux premières critiques sont également tout-à-fait recevables, et méritent bien un débat citoyen. Mais elles soulèvent aussi des questions scientifiques que nos pétitionnaires se gardent bien d’évoquer :

  • Pour le 2ème point, une classification graduée d’un danger est difficile à utiliser pour une prise de décision politique, qui est forcément binaire (autorisation ou interdiction). Les controverses récurrentes sur la carcinogénicité de produits comme le glyphosate montrent bien que ce type de classification génère plus de confusion que de clarté. Plutôt que de s’aligner sur un système qui a déjà montré ses faiblesses, il vaudrait mieux que les scientifiques proposent de nouveaux modes d’évaluation du danger, mieux adaptés à la prise de décision. Sinon ils entretiennent les polémiques qu’ils prétendent vouloir éviter.
  • La 1ère objection est tout aussi recevable sur le principe: en effet, l’immense majorité des soupçons d’effet PE viennent d’études épidémiologiques, et non de la démonstration d’effets avérés sur le système hormonal. La position de la Commission, qui ne veut reconnaitre comme PE que les produits pour lesquels un effet endocrine a été réellement identifié, est cohérente sur le plan scientifique, mais en pratique elle ne pourrait s’appliquer qu’à très peu de produits, par rapport à la masse de substances sur lesquelles les épidémiologistes ont des craintes. Ce qui soulève forcément un dilemme :
    • faut-il être strict sur le plan scientifique, comme le propose la Commission, au risque de laisser utiliser des produits dont le danger n’a pas été prouvé avec un niveau de preuves suffisant?
    • ou bien faut-il interdire des produits sur la base de seuls arguments épidémiologiques, même pour ceux dont l’utilité est incontestable ? Comme le rappelle le manifeste, les retardateurs de flamme utilisés dans les meubles ou les composants électronique font partie des PE les plus suspectés. Faut-il les interdire sur la base de ces soupçons, alors que ces produits peuvent sauver des vies en cas d’incendie ?

On comprend bien pourquoi les signataires de ce pamphlet n’ont pas formulé clairement cette question : la poser publiquement, c’est reconnaitre du même coup que les démonstrations d’effets PE ne sont pas aussi claires que le grand public l’imagine. C’est pourtant bien sur ce sujet qu’il y a matière à un vrai débat de science citoyenne, et non sur la dénonciation de manipulations scientifiques imaginaires.

Enfin, la solution proposée par les signataires, la création d’un « GIEC » des perturbateurs endocriniens, est pour le moins surprenante, compte-tenu de leur posture de départ qui était de mettre fin aux polémiques inutiles. Rappelons d’abord qu’il n’y aucune raison scientifique pour créer un nouveau Comité Théodule sur ce sujet. La création du GIEC répondait à un vrai besoin  scientifique : vu la diversité des facteurs influant sur l’évolution du climat, et de ses impacts humaines potentiels, il était nécessaire de créer une nouvelle structure, pour permettre les échanges entre des disciplines qui n’avaient pas encore l’habitude de dialoguer entre elles. Ce n’est pas du tout le cas à propos des PE. Les questions scientifiques nouvelles posées par ces produits sont certes complexes, mais ne relèvent que de la médecine clinique, la toxicologie et l’épidémiologie : trois disciplines étroitement liées depuis toujours, qui disposent déjà de toutes les structures nécessaires pour collaborer de façon fructueuse.

On ne voit donc pas très bien l’utilité d’un nouveau « GIEC des PE » pour progresser sur le plan scientifique. Et pour ce qui est de mettre fin aux polémiques, on ne peut pas dire que ce soit la réussite la plus flagrante du GIEC… Il est d’ailleurs amusant (ou inquiétant) de noter que les sciences du climat sont ici représentées par Michael E. Mann… c’est-à-dire l’expert le plus controversé du GIEC !

Un détournement de la parole scientifique

La définition des PE proposée par la Commission Européenne mérite un vrai débat démocratique, et il est nécessaire que les scientifiques s’y impliquent pleinement, pour en expliquer clairement les enjeux aux citoyens. Il serait d’ailleurs souhaitable que ce débat soit élargi à d’autres questions qui lui sont intimement liées, comme les difficultés d’une législation basée sur le danger et non sur le risque. Au bout du compte, on voit bien que l’on retrouve derrière ce débat les divergences de vue et les luttes d’influence entre les chercheurs et les agences d’expertise, que nous avons déjà évoquées précédemment[17].

Encore faudrait-il que les scientifiques apportent à ce débat le meilleur de la science, c’est-à-dire la clarté et la rigueur. Ce n’est pas du tout la voie qu’ont choisi les signataires de ce pamphlet :

  • ils n’ont absolument pas cherché à expliciter les fondements (pourtant tout-à-fait légitimes) de leur opposition aux critères de définition des PE proposés par la Commission
  • en formulant sans preuves des accusations vagues de manipulation, et en opposant systématiquement les intérêts privés, forcément impurs, aux scientifiques (sous-entendu de la recherche publique), ils reprennent à leur compte les dérives populistes et complotistes des ONG environnementales les plus radicales
  • en appelant à la fin des controverses sitôt qu’un consensus aurait été obtenu (et validé par qui ?), ils nient le fondement même de la recherche scientifique.

Il faut donc être clair : ce document est certes signé par des chercheurs, mais il n’exprime aucun avis scientifique. Ce qui est en jeu n’est pas seulement l’explication des débats scientifiques auprès des citoyens. C’est aussi l’orientation future des travaux de recherche, sur les sujets sensibles politiquement. Sur ce thème, nous ne saurions trop conseiller aux scientifiques qui ne l’auraient pas encore fait, de lire attentivement les travaux de B. Demeneix et ses collègues : à eux de voir ensuite si c’est bien la conception de la science qu’ils ont envie de servir à l’avenir, et s’ils ont envie de laisser ces chercheurs s’exprimer en leur nom.

Philippe Stoop

[1] http://www.lemonde.fr/idees/article/2016/11/29/halte-a-la-manipulation-de-la-science_5039860_3232.html (accès payant ! Mais on trouve facilement des liens gratuits en recherchant le titre sur google, à moins que Le Monde ne les fasse disparaitre)

[2] Groupe d’Experts International sur l’Evolution du Climat

[3]  « Literature review on epidemiological studies linking exposure to pesticides and health effects », Evangelia E.Ntzani et al. External scientific report, EFSA, page 93

[4] http://www.forumphyto.fr/2016/06/21/les-pesticides-provoquent-ils-vraiment-des-cancers-chez-les-agriculteurs/

[5] https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3222984/

[6] http://www.forumphyto.fr/2016/10/04/peche-aux-alphas-contre-chasse-aux-petits-betas-pourquoi-lanalyse-des-risques-environnementaux-ne-devrait-pas-etre-seulement-un-travail-de-chercheurs/ , Tableau 5

[7] http://www.forumphyto.fr/2016/02/19/on-a-retrouve-les-boites-noires-du-crash-de-cash-investigation/ et http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article2614#L’atrazine dans l’eau du robinet : petits arrangements avec la réalité

[8] « La société doit protéger les femmes enceintes », La Recherche, mars 2016, page 48 à 50.

[9] http://lesdonnees.e-cancer.fr/Themes/epidemiologie/Incidence-mortalite-nationale/Incidence-et-mortalite-nationales-des-cancers/Evolution-de-mortalite-estimee-des-cancers-entre-1980-et-2012-chez-femme#donnees Sur ce sujet, voir aussi http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article2706

[10] http://invs.santepubliquefrance.fr/Espace-presse/Communiques-de-presse/2013/Evolution-de-l-incidence-et-de-la-mortalite-par-cancer-en-France-entre-1980-et-2012

[11] http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article2614#L’atrazine dans l’eau du robinet : petits arrangements avec la réalité, et “Atrazine Effects in Xenopus Aren’t Reproducible”, Rebecca Renner,May 15, 2008 / Environmental Science & Technology. www.thecre.com/pdf/2008-Atrazine_ACS.pdf

[12] Bellanger, M., Demeneix, B., Grandjean, P., Thomas Zoeller, R., Trasande, L., 2015 : Neurobehavioral Deficits, Diseases, and Associated Costs of Exposure to Endocrine-Disrupting Chemicals in the European Union. Journal of Clinical Endocrinology and Metabolism, http://press.endocrine.org/doi/full/10.1210/jc.2014-4323

[13] http://www.forumphyto.fr/2015/09/25/pesticides-qi-euros-les-calculs-acrobatiques-du-cnrs/ et http://www.forumphyto.fr/wp-content/uploads/2015/09/1509CnrsMethodePasAPas.pdf

[14] « Perturbateurs endocriniens : un flou entretenu », Pour la Science, juin 2016, page 7. On notera la constance de B. Demeneix dans le registre complotiste.

[15] http://ec.europa.eu/health/endocrine_disruptors/policy/index_en.htm

[16] Tout au moins pas d’effet perturbateur endocrinien chez l’homme, identifié par des travaux scientifiques. Par contre, des sites Web consacrés au bio ou à la médecine ayurvédique vantent ses pouvoirs contraceptifs ! Ce qui montre une fois de plus que la peur des PE est à géométrie très variable, selon qu’un produit est considéré comme « naturel » ou non…

[17] http://www.forumphyto.fr/2016/10/04/peche-aux-alphas-contre-chasse-aux-petits-betas-pourquoi-lanalyse-des-risques-environnementaux-ne-devrait-pas-etre-seulement-un-travail-de-chercheurs/

Graphique perturbateurs endocriniens