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Résidus de pesticides dans l’alimentation : Errare humanum est, perseverare diabolicum…

21 avril 2017

1208attention_manipulation Sous le titre « Des résidus de pesticides dans presque tous les aliments européens » (in English, en français), pour rendre compte du récent rapport de l’EFSA sur les résidus dans l’alimentation, Euractiv reprend un article (abonnés) de son partenaire français Le Journal de l’Environnement (JDLE). Avec une vision quelque peu biaisée, qui rappelle, étrangement et malheureusement, les pratiques douteuses d’Elise Lucet dans Cash Investigation de février 2016…

Sur les titres

Constatons d’abord une légère variation dans les titres des différents articles.
« Pesticides: des résidus dans le panier de la ménagère européenne » pour le JDLE
« Les pesticides omniprésents sur les étals européens » dans la variante française de l’article d’Euractiv.
« Pesticide residues detected in almost all European foods » (que nous avons traduit « Des résidus de pesticides dans presque tous les aliments européens ») pour la version in English d’Euractiv.
Légère variation donc. Mais une constante se dégage : les résidus de pesticides seraient omniprésents, ou quasi-omniprésents

Sur le fond

Le moins qu’on puisse dire est que cela ne reflète pas les résultats publiés par l’EFSA qui écrit bel et bien que 97,2% des échantillons analysés se situaient dans les limites légales. Et que parmi ceux-ci, 53,3% étaient exempts de résidus quantifiables.

Pour tenter de renforcer l’idée que les méchants aliments conventionnels contiennent de méchants résidus, l’article d’Euractiv (version anglaise ou française) admet certes que 53,3% des échantillons testés étaient « exempts de résidus quantifiables ». Mais s’empresse de préciser entre parenthèses : « ce qui ne signifie pas qu’ils en sont tout à fait exempts ».
Dans le corps de l’article, il est également affirmé « la très vaste majorité des aliments cultivés en agriculture conventionnelle sont contaminés par les pesticides »
On peut supposer que la version JDLE inaccessible sans péage contient les mêmes assertions.
Cette volonté de vouloir accréditer la thèse, contrairement à l’évidence des faits, d’une présence généralisée de résidus rappelle fâcheusement les pratiques de Cash Investigation de février 2016 (voir liens plus bas).

A tout prix : noircir le conventionnel, blanchir le bio

Nous n’avons pas pu comparer l’article en français d’Euractiv avec l’article du JDLE , du moins en version intégrale, puisque l’article du JDLE est derrière un péage. Mais :
– Dans le corps du texte de l’article d’Euractiv, pour le bio, pas de petite phrase assassine sur la présence possible de résidus même lorsqu’on n’en détecte pas. On se contente de « 99,3% des aliments [bios] sont exempts de résidus ou présentent des taux se situant dans les limites légales »
– On peut remarquer que le sous-titre de l’article du JDLE contient l’affirmation suivante « L’alimentation biologique reste, de loin, la moins imprégnée. » (qui n’existe pas dans l’article d’Euractiv).

Comme l’écrit Seppi dans son article sur le rapport de l’EFSA « Le lecteur pourra estimer si cela vaut la peine de dépenser beaucoup plus pour obtenir une réduction grosso modo au tiers des produits contenant des résidus quantifiables et au quart des produits dépassant la LMR. »

Pour notre part, nous avons déjà exprimé ici, notre propre interrogation : pourquoi retrouve-t-on une aussi forte proportion d’aliments bios dépassant les LMR de pesticides de synthèse ?

Notre conclusion

Soyons clair, aliments bios, comme d’ailleurs aliments conventionnels, sont absolument sûrs concernant les résidus de pesticides, qui, lorsqu’ils sont présents, le sont à l’état de traces sans conséquences sur la santé.

Mais cette façon de vouloir tordre la réalité pour faire dire aux chiffres le contraire de ce qu’ils disent est inadmissible. Même Libération que l’on ne peut pas soupçonner de complaisance envers les pesticides avait dénoncé la manipulation de Cash Investigation. Tenter, de façon insidieuse, de répéter cette manipulation un an après, ce n’est plus une erreur humaine, c’est proprement diabolique : Errare humanum est, perseverare diabolicum !

Pour aller plus loin :
« Une alimentation pratiquement sans résidus de pesticides (EFSA) »
« Quelques (très) gros mensonges de Cash Investigation »
« On a retrouvé les boîtes noires du crash de… Cash Investigation »